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Ce n'est encore rien. Certaines fabriques préparent jusqu'à 100 millions d'aiguilles par semaine.

» Les tronçons de fll de fer passent ensuite dans une autre machine, qui est chargée de les redresser, car ils sont fortement courbés, autant par le tambour autour duquel ils s'enroulaient primitivement que par les ciseaux qui les ont coupés. Pour cela, on les réunit en paquets de o à 6000, que l'on entoure d'anneaux de fer et auxquels on fait supporter une forte pression.

» Après le redressage, les paires d'aiguilles- passent entre les mains des affileurs, qui usent res extrémités sur des petites meules, afin de former la pointe. L'affileur prend une poignée d'aiguilles et les présente simultanément à la meule, en leur imprimant avec les doigts un mouvement de rotation.

Se servent-ils d'eau pour affiler l'aiguille? demanda Georges.

— Non car l'eau ferait rouiller les aiguilles. Aussi la poussière de fer projetée par les meules remplit l'atmosphère et constituerait un danger sérieux pour la santé des ouvriers si l'on n'y avait remédié en dirigeant sur les meules un courant d'air violent qui chasse les parcelles métalliques.

» Dans quelques fabriques, le chas ou œil de l'aiguille est percé sur le tronçon de fil de fer formant la paire d'aiguilles mais, en général, on coupe premièrement l'aiguille de la longueur qu'elle doit avoir et on la perce ensuite.

» Avant de la percer, il faut toutefois aplatir d'abord la tête, dont les aspérités produites par le ciseau déchireraient le linge. L'ouvrier chargé de cette opération prend une vingtaine d'aiguilles et les étale en éventail sur une petite enclume, puis d'un seul coup de marteau, il aplatit toutes les tètes. Un autre ouvrier prend les aiguilles arrivées à ce point et les place dans une étuve, où elles sont chauffées, puis refroidies lentement. Cette opération les rend plus malléables et moins cassantes.

» Le trou de l'aiguille est quelquefois pratiqué au moyen d'une machine, mais dans la plupart des fabriques il est encore percé à la main. C'est un enfant qui est généralement charge de cette opération. Il place l'aiguille sur une enclume de plomb et perce le trou au moyen d'un foret et d'un marteau, d'abord d'un côté et puis de l'autre. Ces enfants arrivent à une merveilleuse précision et à une grande rapidité. Il n'est pas rare, lorsque des étrangers visitent la fabrique, de les voir placer un cheveu sur l'enclume et le percer d'un seul coup de foret.

» Enfin un dernier ouvrier prend t'aiguille et pratique d'un coup de poinçon le petit rebord qui entoure l'œil et permet, d'y glisser le fil. L'àiguille est finie, mais elle n'est pas encore prèle à être livrée au commerce. Il faut encore la tremper, ce que l'on fait en la chauffant au ii rouge vif et en la précipitant dans un bassin plein d'eau froide puis la polir, en la frottant avec de la poudre d'émeri la dégraisser cl enfin l'essuyer. Et dans chacune de ces opérations chaque aiguille passe entre les mains de plusieurs ouvriers.

» Il ne reste plus après cela qu'à assortir les aiguilles, pour qu'elles soient toutes de même grosseur et de même longueur, et à les ranger par une ou deux douzaines dans ces petits paquets étiquetés que vous connaissez si bien.

» Vous voyez, mes enfants, par quelles opérations multiples passe l'aiguille avant d'arriver dans vos mains, et cependant vous savez combien son prix est minime. On ne peut arriver à ce résultat que par l'ordre introduit dans la fabrication et aussi par la division du travail; car, tandis que vous voyez cent ouvriers fabriquer en une journée plusieurs centaines de mille d'aiguilles, c'est à peine si un homme seul, quelque habile qu'il fut, pourrait arriver en dix heures à en faire une douzaine.

» Le monde me parait ressembler beaucoup à cette fabrique d'aiguilles. Là aussi, chacun doit apporter dans l'humble tàche qui lui incombe le même courage, la même application, contribuant ainsi à la