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d'un bond fut en bas de la chaire, - qu'on le fasse savoir!

– Ce soir à l'angélus, », répétait-on de toute part à mi-voix, pendant,que du dehors venait le son dune cloche indiquant qu'on allait dire none à Notre-Dame.

-La foule s'ouvrit respectueusement pour livrer passage à un austère personnage, qui alla s'asseoir dans la chaire.

Pendant qu'il semblait se recueillir avant de commencer son allocution, un grand mouvement se produisait parmi les jeunes clercs. La plupari/s'étaient assis, d'autres, agenouillés, sui;.la paille qui couvrait^ le sol quelques-uns restaient adossés aux' murs. Des feuilles de parchemin s'étaient déroulées, les cor-* nets encre se tenaient déboutée, à 'et là entre les écoliers qui, s'apprêtaient à. écrire; et les roseaux fendus qui servaient souvent de plumes ven ce temps-là, -attend daient, le bec.tourné, vers la chaire.

Ma proposition sera .simple, .– dit avec une grave lenteur le'maître, s'exprimant dans cette langue aussi étrange! que -facile. qui a gardé je nom de;latin _dc' l'école.-– Je.suppose.un âne_ également. –je dis également? remarquez-le bien,– également spllicUé' parlés deûx bësoins de la faim et de la soif. Je le place entre une mesure d'avoine et un seau d'eau, et J je demande : Que fera l'âne? – J'ai dit.

» Un moment de silencieux et général étohnément succéda.' aux paroles du. maître. •

Tout, à. coup :_« L'âne se. laissera mourir.de, faim, dit un "des assistants.

Alors il sera bien sot,riposte le-maître; puis >- qu'ayant de quoi se nourrir) il n'en profitera pas.

Non, fait un autre écolier," il ira auhasard,.soit à l'avoine-, soit; l'eau.

Au hasard, répète le/iriaîlrc le hasard est donc cause dirigeante ici-bas, et l'être n'a cfonc pas son libre arbitre!

L'àne, répond un troisième, se décidera de son plein gré, et donnera la préférënce soit à l'eau, soit à l'avoine. '̃" –

La préférence, répéta-encore le maître; donc il sera plus i vivement* sollicité par'un objet que par l'autre donc il n'y'aurà plus égalité parfaite dans la' double sollicitation, et les termes de ma proposition sont modifiés:

Un quatrième élève, pensant apprécier le. cas plus justement que le troisième, émet une nouvelle opinion-; puis un cinquième. puis, un sixième, et toujours le maître était là qui impassiblement solennellement, s mettait à néant la solution proposée par des arguments de la force de e'eûx qù'il avait produits en premier lieu. si bien que,- quand la cfoche qui sonnait compiles à. Notre-Dame annonça comme de 1 Onesonnerie particulière annonçait autrefois chaque office du récitation de prière qui'avait lieu dans les églises. coutume la fin de la leçon, le maître put cii, descendant de sa chaire renouveler sa" question 'qui .restait intacte et dans toute sa valeur': « Que fera l'àne? »

Quand, à pas comptés, il traversa la salle pour se retirer les applaudissements 'enthousiastes de la jeune assistance éclatèrent, etil.ne regagna le collège delà nation de Picardie, dont il étaitj>rocureur,' qu'entouré d'un véritable cortège qui faisait reténtir les acclamations et les.' vivats..

Si les passants, voulant connaître le motif de cet émoi, cherchaient des gens du quartier auprès desquels se renseigner, ils, trouvaient- sur le seuil'des maisons des marchands de paille ou de fàuam, comme on disait en ce temps là, qui leur répondaient

« C'est l'illustre docteur Jean Buridan quijonfc fête les écoliers. pour quelqu'une des belles, oraisons dont il est coutumiér, et qu'il aura dite. »

III

Le soir, au coup de'l'angélus, comme l'avait indiqué Pierre Roger, les quatre ou cinq mille clercs qui constituaient alors la population écolière de Paris étaient réunis dans le Pré aux Clercs.

Pierre Roger prenait rde nôuveaula. parole à propos du démêlé avecl'abbé de Saint-Germain, et Pierre Roger était par acclamation chargé d'aller, présenter au Saint-Pèr.c;. alors résidant en la ville d'Avignon, les doléances' dé l'Université.

JUais si,brûlante, si intéressante que pût être pour,. 'les écoliers cette question de poche, elle était loin d'absorber seule les esprits car," lorsque la réunion se dissipa, et que les écoliers s'en, allèrent par^ groupes,-par couples, pour rentrer dans leurs nombreux “ collèges, qui étaient situés'un peu'partout dans, le' ( e vaste quartier universitaire," on pouvait tes entendre 1 presque tousse poseret' discuter l' important problème qu'avait 'formulé l'illustre docteur Jean' Buridan « « Que fera l'ânè?

Ceci se passait vers 1320 sous le règne fort triste d'ailleurs .du roi Philippe V.Vingt-trois.ans plus tard," sous le règne non moins désastreux de Philippe VI,* c'est-à-diçe enl343,ledébatentrel,es jeunes clercs de l'Université et l'abbé dc Sainï-Germain-des-Prés touchant le'.droit de pêche'dans la petite Seine durait f f 1" de, pêche encore; mais un jour le brait sei'rép'andit^ dans les' écoles, que le nouveau papc, devant qui1 la cause avait été portée, venait d'engager dans les termes^ les' plus formels l'abbé récalcitrant d'avoir à prendre; avec les écoliers tels arrangements que céux rci pussent trouver librement, en la. jouissance, du droit, de pèphe «les ébats et délassements qui leur étaient bien dus poûr relâche des fortes études auxquelles ils se' livraient, et qui étaient de'si grand profit à l'honneur de la religion' et du. savoir humain. Car, ajoutait le bref pontifical, nous avons en grand amour cette belle -Université de Paris, dont nous tiendrons toujours à gloire d'avoir reçu les doctes leçons. »

Quand la teneur de ce monitoire fut connue des