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l'endroit où se trouve aujourd'hui la'grande avenue de Paris, de bons paysans qui se livraient à leur jeu favori. Après les avoir, regardés pendant quelque temps, il descendit de cheval, et, se mêlant familièrement aux joueurs, prit lui-même part à la partie, et avec tant d'adresse, dit-on, que du premier coup il envoya sa boule en plein but.

Le grand cardinal Richelieu ne dédaignait pas lui aussi de se livrer à ce noble jeu sur la terrasse de son château de Rueil.

En somme, le jeu de boules mérite de reconquérir parmi nous la popularité qu'il a perdue. Il en est peu de plus intéressants et aussi de plus hygiéniques. C'est une excellente gymnastique qui, en même temps qu'elle développe les' muscles des bras, donne au joueur une grande justesse de coup d'œil* Il faut seulement éviter une chose c'est d'envoyer la boule dans les jambes de ses voisins.

LES CAUSERIES DU JEUDI

LA RUE DU FOUARRÊ

I

« Silence Écoutez Roger! Laissez parler Roger Silence Roger va parler »

Ainsi répétaient quelques-uns des nombreux jeunes gens qui s'agitaient bruyamment dans une vaste salle basse dont les dalles étaient couvertes d'une épaisse jonchée de paille fraîche, et au fond de laquelle s'élevait une grande chaire noire, composant à elle seule le mobilier de ce lieu dont les murs étaient en revanche tout charbonnés d'inscriptions et de lignes problématiques. s

Or, Roger venait de monter dans la chaire, et les bras croisés, promenant sur l'assistance son regard à la fois ardent et méditatif, il attendait que le silence se rétablît.

Il n'attendit pas longtemps car, pour la foule rassemblée en cet endroit, il y avait sur ce Roger comme un prestige qui faisait de lui tout jeune encore cependant une sorte de chef moral, de roi intellectuel. Il avait suffi qu'il parût vouloir émettre son avis pour qu'aussitôt l'attention de tous fût captivée.

« Frères clercs, écoliers des quatre Nations, commença-t-il, si vous voulez m'écouter, moi, Pierre Roger, élève de la nation de France, boursier du collége de Narbonne, je vous dirai ce que je pense de cette affaire.

– Parle, parle! parle! fut-il crié de tous les côtés nous écoutons.

Mais hàte-toi, observa l'un des assistants, la cloche de Notre-Dame va tantôt sonner l'heure de la leçon, et le maître va venir.

Ce ne sera pas long, répliqua Roger, et si j'ai pris la place du maître, c'est seulement pour me faire' mieux entendre; mais je serai certainement redescendu avant qu'il arrive. Écoutez.

– Écoutons, écoutons! »

Et Roger reprit au milieu du plus grand silence

« Je dis que, y allât-il de la vie de chacun de nous, nous devons, en ce cas, comme en tout autre,-faire prévaloir les droits de notre mère l'Université. Elle est la science, elle est la lumière, elle est la sagesse elle est l'astre dont nous sommes les rayons un rayon peut s'éteindre, mais l'astre doit briller: Ne consentons pas à ce que l'Université soit abaissée; défendons son nom soutenons ses priviléges ne la laissons pas atteindre en notre personne. Ce n'est pas d'ailleurs la première fois qu'on s'élève jalousement contre'elle: mais ce ne sera.pas la première 'fois qu'elle sera sortie plus forte, plus grande; plus glorieuse du combat soutenu. Vivat pour l'Université 1

Vivat I vivat crièrent, cent voix à l'unisson.

Maintenant, précisons les faits, reprit le jeune orateur. Les clercs veulent; comme par le passé, se divertir à prendre quelques poissons dans la petite Seine, qui longe leur pré. C'est leur droit. Quand on est maître du champ, et il est bien à nous, ce champ, puisqu'on ne l'appelle autrement que le Pré aux Clercs, on est bien naturellement maître aussi du fossé qui lui fait clôture. Ce n'est pas l'avis de messire l'abbé de Saint-Germain. Il envoie ses gens contre nous mais mal leur en prend, à eux comme à lui. Nous avons résisté, nous résistons, nous résisterons.

– Oui, oui

– Ah! je sais bien que messire l'abbé à porté, dit-on, la cause devant notré seigneurie roi Philippe ; mais nous la porterons plus haut, nous.

– Devant le Saint-Père! fit l'un des assistants.

– Tu l'as dit, repartit Roger, c'est la que nous irons faire entendre notre voix, et notre voix sera entendue car le Saint-Père aime l'Université qui est sa fille soumise et puissante; son cœur est avec notre cœur, son esprit avec notre esprit il nous soutiendra contre nos ennemis et, par lui, nous serons triomphants.

Vivat vivat

Nous choisirons l'un d'entre nous pour porter nos vœux aux pieds du saint trône.

Toi toi Roger! Roger fut-il crié des divers points de la salle."

– Moi, si vous voulez j'en serai fier, et. Le maître, messeigneurs annonça la voix d'un homme d'un certain âge qui, en sa qualité de portier, se tenait au seuil de la salle et avait par conséquent un pied dans la rue.

- Ce soir, à l'angélus, réunion des écoliers dans le Pré pour décider la chose, dit encore Roger qui