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madame, » dit Anne en courant ouvrir un petit placard. Elle revint avec un flacon, une bande de toile fine qu'elle y mouilla, et emmaillotta adroitement le doigt de Mme Arnaudeau, qui se laissa faire et daigna même la remercier. Puis, allant à Emmanuel :

« Je sais très-bien faire les nœuds de cravate, dit l'enfant; je fais toujours ceux de papa quand je veux qu'il soit beau. Voulez-vous que j'essaye? »

Emmanuel se rassit pour être à sa hauteur; et elle lui arrangea sa cravate. Décidément, si elle ignorait la date du déluge, elle savait bien d'autres choses, la petite Anne.

« Là! dit-elle; elle tiendra très-bien, sans épingle. »

Emmanuel la remercia : c'était la première fois de sa vie que cela lui arrivait, de remercier sans qu'on eût besoin de le lui dire.

Pendant qu'on reconduisait les visiteurs, Anne, qui marchait près d'Emmanuel, lui demanda s'il apprenait autant de choses que sa sœur.

Ah! je crois bien! répondit l'écolier, et bien d'autres avec. Mais je ne suis pas comme ma pimbêche de sœur qui trouve que c'est amusant. Après ça, peut-être que c'est amusant ce que font les filles, le piano et puis les dessins où il y a de la couleur, et tout le reste. Mais si vous saviez ce que c'est que le latin! et le grec donc ! il y a de quoi en mourir. Et quand je pense qu'il y a au lycée des animaux qui prétendent qu'ils y comprennent quelque chose! C'est pour faire leurs embarras ; moi, je n'y ai jamais rien compris. »

Anne le regarda, étonnée et effrayée. Quel abîme était-ce donc que toutes ces sciences à elle inconnues, si l'on pouvait s'en occuper plusieurs années sans y rien comprendre !

A suivre

Mme Colomb.


LES CAUSERIES DU JEUDI

BONJOUR!


« Bonjour! «Voila, n'est-ce pas, une parole bientôt prononcée, et que d'ailleurs nous prononçons souvent. Mais en l'employant, nous rendons-nous bien compte du sens qu elle comporte? Je n'en voudrais pas jurer. C'est pourquoi analysons-la un peu.

« Bon-jour. » Déjà, nous trouvons deux mots que l'usage a condenses en un seul. Mais si au lieu de condenser, nous de \etoppons l'idee contenue en cette abréviation,nous arrivons a cette phrase assez étendue :((.)e souhaite que le jour ou nous sonunes soil bon, soit heureux pour vous!on ))ien:<( Je desite que Dieu vous soit favorat'Ie pendant ce jour! "m) I)ien.Mais de quelque façon que nous procedious. nous aboutirous toujours à ceci, que )a formule empjovee n'est rien de moins qu'une pnwe. Eh oui! certes, une pj'iere: car que signine un Yœudece ~enre, sinon que nous detnandonsa~'e/'f! dont la volonté peut inf)))ersurleso!'t delà personne a qui nous partons, de vouloir bien prendre cette personne sous sa sauvegarde? Et à qui, en ce cas, nous adresserions-nous, sinon à Dieu, au grand maitre de tout Voilà par conséquent les impies, les athées, en contradiction avec eux-memes quand ils s'avisent de nous saluer en employant la formule ordinaire.

Saluer, dis-je, qu'est-ce que ce!a signifie? On se découvre, on s'incline; fort bien! c'et teinoigner du respect, de la déférence a ta personne saluée: et vous croyez peut-être que la jH'iere n'a cette fois rien a voir dans Fanaire. « Je l'ai salue, dit-on je vous salue mes saints empresses M, met-on au bas d une lettre. Or les Latins, nos ancêtres directs, au moins pour la langue, disaient avant nous Salve! (du \erbes«h'e)'f, être sain, c!) bonne santé) et ce M/ n'était antre qu'une foDnuIe de souhait, lise traduit par«Sovezen bonne santé! Hqui(on)porte)a pieuse idee dune evocation à la Diviniteen faveur de la personne objet du salut.

Le même peuple disait aussi V<f/e.' (du verbe ~<;t'c,etrefort,en bonne dispositionquis'est change en notre verbe t'«/'j!)', et qui a forme notre substantif Mt/CMf), V<f/e, c'est-à-dire :<< Je souhaite que vous soyez fort. Toujours la prière.

Quand nous nous séparons, nous nous disons Ad/tK; ce mot nous explique ()elni-)neme sa formation « D«'!< fsous-entendu Je roio; reMm~a~de). f)u reste, il en fut et il en est encore ainsi chez la p)npart des peuples.

Les Grecs, il est vrai, disaient Kaire! (réjouis-toi) mais on pourrait encore trouver dans cette formule, en apparence insoucieuse, un souhait pieux, indirect