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LE JOURNAL DE LA JEUNESSE.

ner à laisser périr chaque année un nombre malheureusement grand d’ouvriers ?

Au commencement de ce siècle, un illustre physicien, Davy, observa qu’en plaçant au-dessus d’une flamme une toile métallique à fils très-serrés, il refroidissait assez cette flamme pour qu’elle ne pût traverser le treillis de métal. Immédiatement Davy imagina d’entourer d’une toile métallique les lampes dont se servaient les ouvriers mineurs. « Prisonnière dans sa cage, disait Davy, la flamme ne communiquera pas avec le gaz de la houille, et les explosions n’auront pas lieu. »

Cependant la flamme ainsi protégée n’éclairait que faiblement la galerie et les mineurs imprudents ne se faisaient pas faute de découvrir leur lumière. Depuis Davy, des perfectionnements nombreux furent apportés à la lampe qui porte son nom. Faut-il le dire cependant, l’imprudence des ouvriers a constamment détruit, en partie, l’efficacité de ces appareils protecteurs et aujourd’hui la statistique nous apprend que, par suite des explosions de mines, il meurt, en Europe, trois ouvriers tous les deux jours. Au moment même oh nous écrivons, nous lisons la dépêche suivante « Une explosion a eu lieu dans la houillère de Jatkef, en Staffordshire ; trente à quarante mineurs ont été tués. Le feu, qui avait pris dans la mine, a été difficilement éteint. Les cadavres ne sont pas encore retirés. »

Ce fut en vain qu’on essaya d’établir dans les mines des indicateurs de grisou qui avertissaient les ouvriers de la présence du gaz détonant ; on songea avec plus de fruit à débarrasser la mine du gaz dangereux qu’elle contient. Depuis longtemps d’ailleurs on a l’habitude, dans un grand nombre de mines de houille, de faire détoner volontairement le grisou. Le lundi matin, des ouvriers qui portent, à cause de leurs fonctions et de leur costume, le nom de canonniers ou de pénitents, tendent vers les parties supérieures des galeries, où s’amasse le gaz, des lumières ajustées au bout de longues gaules et font partiellement détoner le grisou.

Malheureusement, nous ne saurions trop le redire il faut compter avec l’insouciance et l’imprudence des mineurs. Ces imprudences, sans cesse renouvelées, sont bien faites pour décourager les savants de présenter des appareils perfectionnés, soit pour l’éclairage de la mine, soit pour l’indication du grisou. Nous pensons donc, malgré l’appareil nouveau dont M. Denayrouse vient de doter l’industrie, que toute l’attention des ingénieurs devra se porter sur les meilleurs systèmes de ventilation dans l’intérieur des mines, parce que, grâce à cet aérage, le gaz hydrogène carboné ne pourra plus s’accumuler dans l’intérieur des galeries et que ce résultat sera obtenu sans rien demander à la prudence des mineurs.

Albert Lévy.
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HENRY STANLEY
COMMENT UN JOURNALISTE AMÉRICAIN DÉCOUVRIT LIVINGSTONE


II

La vaillante petite troupe descend l’escarpement au pied duquel s’étend le port d’Oujiji. Le drapeau américain est déployé, les armes chargées et des salves de joie annoncent l’arrivée de la caravane. Les indigènes accourent à sa rencontre et bientôt Stanley s’entend saluer d’un « Good morning, sir ! » Il tourne la tête : c’est Souzi, le fidèle serviteur de Livingstone, qui lui annonce que son maître est là, à quelques pas. Quelle immense joie quel triomphe ! après tant de fatigues, tant de périls, se sentir enfin au but !

Laissons la parole au voyageur qui a raconté en termes si dignes et si simples cette touchante entrevue.

« Mon cœur battait à se rompre ; mais je ne laissais pas mon visage trahir mon émotion, de peur de nuire à la dignité de ma race. Me tenant donc le plus dignement possible, j’écartai la foule et me dirigeai entre deux haies de curieux, vers le demi-cercle d’Arabes devant lequel était l’homme à barbe grise.

Tandis, que j’avançais lentement, je remarquais sa pâleur et son air de fatigue. Il avait un pantalon gris, un petit paletot rouge, une casquette bleue à galon d’or fané.

» J’aurais voulu courir à lui, mais j’étais lâche en présence de cette foule. J’aurais voulu l’embrasser, mais il était Anglais je ne savais pas comment je serais accueilli. Je fis donc ce que m’inspiraient la couardise et le « faux » orgueil.

» J’approchai d’un pas délibéré, et dis en ôtant mon chapeau : « Le docteur Livingstone, je présume ?

— Oui, » répondit-il en soulevant sa casquette, et avec un bienveillant sourire.

» Nos têtes furent recouvertes et nos deux mains se pressèrent.

« Je remercie Dieu, repris-je à haute voix, de ce qu’il m’a permis de vous rencontrer.

Je suis heureux, dit-il, d’être ici pour vous recevoir. »

» Je saluai ensuite les Arabes, qui m’adressaient leurs yambos, et que le docteur me présenta chacun par son nom. Puis, oubliant la foule, oubliant ceux qui avaient partagé mes fatigues, je suivis Livingstone. Il me conduisit sous sa vérandah, et me fit prendre son siége habituel. »