Page:Le journal de la jeunesse Volume I, 1873.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne peut plus modifier son cours, ravager li-s terres cultivées, ni porter ça et là les pierres et graviers qu’il charrie. Mais aussi il est aise île, comprendre que l’encaissement force a couler dans un espace plus resserré la masse des eaux qui acquièrent en même temps une vitesse plus considérable et s’attaquent aux digues elles-mêmes, dont elles minent incessamment la base.

Qu’une crue exceptionnelle arrive alors, que les ouvrages de défense soient en quelques-uns de leurs points trop faibles, et le péril est accru par le l’ait même des moyens qui avaient pour objet de le prévenir. C’est ce qui est arrivé, pendant l’inondation actuelle, aux digues du Pô qui, on l’a vu plus haut se sont rompues en plusieurs points. Par la brèche ainsi pratiquée, les eaux se précipitent avec une irrésistible violence, détruisent tout sur leur passage il ajoutent aux funestes effets d’une inondation soudaine ceux de l’envahissement de toute la contrée avoisinante..Malgré ces graves inconvénients des digues, elles constituent un moyen de défense, coûteux il est vrai, mais souvent nécessaire, surtout si les fleuves sont soumis à des crues rapides et si, au lieu d’un limon fertilisant, ils laissent en dépôt sur les terres du sable, des cailloux qui en détruisent la valeur agricole.

Quel est, en définitive, le problème a résoudre ? C’est de régulariser les cours d’eau, de rendre la vitesse et le débit des eaux plus constants, d’empècher, s’il est possible, les crues trop rapides ou trop considérables. J’ai dit plus haut que tes lacs fonctionnent précisément comme les régulateurs naturels des fleuves ou des rivières qui les traversent. Les ingénieurs ont en effet songé à imiter en ce point la nature. En des endroits convenable choisis, ils ont fait creuser d’immenses bassins destinés à recevoir le trop-plein des crues, ainsi que les matières qu’elles charrient. Si ces matières sont fertilisantes et limoneuses, elles sont recueillies et utilisées : au cas contraire, leur effet est tout au moins neutralise.

D’ailleurs, ces bassins de colmatage, — c’est le nom qu’ils ont dans le langage de l’ingénieur, — ont un autre rôle utile, celui d’alimenter les rigoles et canaux d’irrigation des terres environnantes, de sorte que l’élément destructeur est changé ainsi en élément de production, c’est-à-dire de richesse. C’est à un système complet de bassins ou de canaux de ce genre que les plaines de la Lombardie doivent leur fertilité proverbiale. Pourquoi donc, cet automne. ce système n’a-t-il pas joue aussi complètement qu’il était désirable, son rôle de protection et de défense. C’est que sans doute les moyens n’avaient pas été proportionnés à la rapidité et à l’abondance de crues déterminées par une suite imprévue et exceptionnelle de pluies et d’orages.

D’ailleurs, il faut bien le dire, c’est surtout aux plus grands cours d’eau qu’on applique les moyens de protection. On néglige les plus petits. Or, dans ma pensée, c’est depuis le simple ruisseau, depuis le plus petit cours d’eau jusqu’au fleuve que le système de réservoirs d’irrigation devrait être appliqué. Aujourd’hui, par un progrès dans l’art de la culture qu’il faut hautement louer, les terres sont partout assainies des fossés d’écoulement sont partout pratiques. Aussi qu’arrive-t-il C’est que dans les grandes pluies les eaux ne s’écoulent que trop vite. Toute la surface d’un bassin fluvial, drainé à la foi, conduit ses eaux avec rapidité du ruisseau à la petite rivière, de celle-ci au grand affluent, de tous les affluents au fleuve, de sorte que le lit de ce dernier ne se trouve plus assez large ni assez profond pour recevoir à la fois une masse liquide aussi considérable. Des bassins collecteurs et régulateurs du débit, croissant en volume à mesure de l’importance des cours d’eau, empêcheraient les crues subites, serviraient à l’irrigation en temps utile et préserveraient ainsi la contrée du fléau des inondations. Les digues et levées n’auraient plus d’utilité que pour le cas des événements extrêmes, dus aux perturbations météorologiques les plus rares.

On a aussi attribué la fréquence des inondations et leur violence au déboisement des collines et des montagnes. Il est certain en ell’et que la végétation est un obstacle au mouvement des eaux. D’abord, il paraît prouvé que les forêts absorbent une certaine quantité de l’humidité atmosphérique d’après les observations de .M. Becquerel, il tombe moins d’eau sous bois que dans les plaines nues, de sorte qu’en un pays boisé, l’eau des pluies s’évapore en partie, à la surface des arbres et des plantes l’autre partie met plus de temps à s’écouler dans le sol, où les racines la retiennent encore. Au contraire, sur les pentes dénudées, la terre végétale est vite entraînée par les eaux, qui ont ensuite, pour s’écouler avec rapidité, une surface plus imperméable. Le dommage est double, pour les terres d’abord qui. s’appauvrissant deviennent impropres à la culture, pour les riverains des torrents qui sont exposés à une rapide irruption des eaux.

Le reboisement, le gazonnement des collines et des montagnes est donc encore un des moyens préventifs, propre à diminuer l’intensité des inondations aussi le législateur y a-t-il pourvu en France. Mais il faut pour cela du temps.

Il me resterait encore pour dire tout ce qui a trait à ce sujet, d’un intérêt si pressant pour les contrées exposées au retour périodique du fléau, à parler précisément de cette périodicité qui se rattache aux autres phénomènes dont une science spéciale, la météorologie, étudie les lois. J’aurai sans doute l’occasion d’y revenir. Les pluies continues d’octobre ont été accompagnées de fréquents orages, de trombes furieuses qui ont cause aussi bien des malheurs et des victimes, à Portici, à Rome, à Nice, à Gènes, à Syracuse ; aux dates du 7, du Kl et du l.'i octobre, on a ressenti en Calabre et jusqu’en Amérique des secousses de tremblement de terre des