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Quelle bonne fille murmura M. Darvin, ce n'est pas elle qui se ferait, prier pour... »

Berthe, par un mouvement plus vif que la pensée, interrompit son père en plaçant une de ses petites mains sur sa bouche, et laissant tomber sa tête sur son épaule.

« Oh! père, tais-toi, dit-elle, c'est que je ne savais pas t'aimer.»

Mlle Zenaïde Fleuriot.


LA CHASSE AUX COLIMAÇONS

Il fut tout heureux et tout

'~u renc~NttCt' nu iima~H.

Voilà un héron qui n'était pas tant a plaindre s'é- 4 crieront les gourmets friands de ce coquillage et~ beaucoup de gens en sont friands, surtout quand il a subi bon nombre de préparations, et qu'on l'a enjolivé d'une foule d'assaisonnements la sauce fait passer le poisson. Mais il y a des pays ou le mollusque en question n'étale point aux vitrines des restaurateurs sa coquille bourrée de hachis et de fines herbes, et où il constitue pourtant une bonne partie de la nourriture des habitants. De ce nombre est l'ile de Ré.

L'ile de'Ré, ou de Rhé selon l'ancienne orthographe, est une île longue et étroite, située dans l'océan Atlantique, à peu de distance des côtes de la Vendée et de la Charente-Inférieure. On y voit peu d'arbres, mais beaucoup de blé, d'orge et de vignes. Au printemps, le vent fait continuellement onduler l'orge, qui est haute et mûre de très-bonne heure à cause de la douceur du climat on dirait une mer au~ vagues dorées où surnagent des milliers de bluets, de marguerites et de coquelicots. A la'un de l'été, les vignes sont a leur tour la parure des champs puis, ~lorsque la vendange est faite, dès que le dernier cep est dépouillé, chaque maire envoie son tambour de ville battre un ban dans les villages. On sort des maisons, on s'attroupe sur son passage, on écoute la proclamation, et en rentrant chez soi, on ne manque pas de dire à ses voisins « On peut aller demain aux lumas.»

Lumas, cela veut dire escargots, limaçons, colimaçons et le tambour a prévenu la population que, les vendanges étant terminées dans toute l'ile, chacun a le droit de s'en aller le lendemain matin dans les vignes 'fouiller sous les feuilles, sur les branches, autour~ Í des racines, et de récolter tous les h<mas qu'il pourra rencontrer. On n'y manque pas. Dès avant l'aube, les maisons sont vides et tout le monde est dehors les vieux, les femmes, les enfants, chacun pourvu d'un panier proportionné à sa force, se hâtent vers les champs de vignes; c'est à qui arrivera le premier, à qui fera plus ample récolte. C'est l'affaire d'un jour le lendemain, c'est tout au plus si l'on trouve a glaner quelques ~Mmos prudents qui s'étaient cachés le premier jour, et qui semontrent, croyant trop tôt le péril passé. Tous leurs frères sont déjà. entassés dans une grande tonne, à côté de la provision de poisson salé et de la provision de raisiné'. Chaque famille a dans sa cave ces trois tonnes-là, et il y a de quoi manger pour tout l'hiver.

–Et les lumas de quoi se nourrissent-ils?

– Ils ne se nourrissent pas du tout leur destinée n'est pas de manger, mais d'être mangés, et ils l'attendent avec résignation. Ils sécrètent une matière visqueuse qui les agglutine bientôt tous ensemble quand on veut en faire un plat, on trauche dans cette masse avec un couteau~ voire même avec une hache, et l'on met cuire à l'eau bouillante les lumas n'ont pas l'air de s'en apercevoir. Un jour pourtant, un marin, qui n'était sans doute pas du pays, fut chargé de cette cuisine. Il mit ses lumas dans la marmite avec de l'eau froide, et ces malheureux, ravis d'abord du bien-être que leur procurait la douce température de l'eau qui commença bientôt à tiédir, sortirent de leur coquille, tirèrent leurs cornes et se mirent à se promener le long des parois de la marmite. Mais quand la chaleur augmenta, leur bien-être se changea en supplice. Je ne veux pas m'appesantir sur les détails ils périrent tous, mais non sans vengeance, car ils se trouvèrent tellement coriaces, qu'on n'en put manger un seul.

Mme COLOMB.



UN DUEL AQUATIQUE

La scène se passait, dernièrement, i-ous une des arches du pont qui franchit l'Oise a Vineuil.

Une carpe énorme, et d'un âge vénérable, se promenait'tranquillement à travers l'onde tranquille, paraissant se chauffer aux pâles rayons du soleil, quand tout à coup elle vit fondre sur elle un monstrueux brochet, digne par sa taille de se mesurer avec les terribles habitants de la mer.

Le combat s'engagea, acharné, implacable. La carpe faisait hors de l'eau des bonds désespérés d'un mètre de haut, franchissant les larges feuilles de nénuphar comme un cerf aux abois. Mais toutes ces manœuvres ne réussissaient pas à aveugler le brochet, qui, à chaque réapparition de sa victime,fondait t sur elle comme une flèche et lui faisait chaque fois de nouvelles blessures. Enfin la vieille carpe, atteinte