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LE PÉLICAN
DU JARDIN D’ACCLIMATATION[1]




On avait déjà des preuves de la facilité avec laquelle le pélican s’apprivoise. On lit dans une lettre de Culmannus à Gesner qu’un pélican élevé dans le palais de l’empereur Maximilien a vécu quatre-vingts ans et qu’il accompagnait même l’empereur à l’armée : il le suivait au vol. Cette puissance du vol chez un oiseau aussi lourd a été de tout temps constatée. On sait que le pélican fait son nid sur terre, quelquefois à quarante lieues de la mer ; il est néanmoins obligé d’y aller pécher et d’y, faire provision de poisson, puis de revenir.

Peu d’oiseaux sont plus imprégnés d’air que le pélican. Ses poumons sont très-développés, adhérents aux côtes, et ne sont point limités dans leur expansion par le diaphragme. Ses os, son tissu cellulaire, ses plumes, tout son corps est perméable à l’air : ce qui le rend très-léger. D’ailleurs, l’air échauffé dans le corps de l’oiseau en allège encore le poids. Son vol est intermittent, c’est-à-dire qu’il plane et bat des ailes alternativement. Il perche quelquefois sur les arbres, comme nous venons de le dire ; il fait son nid à terre, entre les roches, souvent sur le bord de l’eau. Ce n’est qu’un creux léger, garni intérieurement de brins d’herbe assez négligemment arrangés. Ses œufs, au nombre de deux à cinq, sont blancs, presque égaux des deux bouts et gros comme ceux du cygne. Après une incubation de quarante ou quarante-cinq jours, les petits naissent, couverts d’un duvet gris, et sont nourris dans le nid part la mère. Elle n’a qu’à presser son sac guttural contre sa poitrine pour dégorger le poisson dans leur bec.

Il paraît qu’on a cherché autrefois à utiliser le pélican pour la pêche comme on a fait du cormoran. Le P. Raymond rapporte dans son Dictionnaire caraïbe qu’on a vu un pélican si privé et si bien instruit par les sauvages, qu’après avoir été peint de roucou le matin afin qu’on pût le reconnaître, il s’en allait à la pêche et en revenait le soir ayant sa besace bien garnie de poissons, qu’il partageait, malgré lui, avec ses maîtres, car on lui passait un anneau au cou pour l’empêcher de l’avaler. Cette industrie n’a pas été continuée, parce qu’elle doit être fort difficile à exercer. On ne tire donc pas grand parti du pélican ; l’odeur huileuse de poisson pourri qu’exhale leur chair est même pour les chiens une cause d’aversion : à plus forte raison cause-t-elle de la répugnance à l’homme.

Les Américains tuent beaucoup de pélicans, non pas pour les manger, mais pour avoir leur poche, qu’ils transforment en blagues à tabac ou encore en bourses. Les femmes espagnoles les brodent d’or et de soie et en font presque des objets d’art.

La patrie des pélicans est aux pays chauds bien plutôt que dans nos contrées. Ils sont très-communs en Afrique, à Siam, en Chine, à Madagascar, aux îles de la Sonde, aux Philippines, à Manille, en Amérique, depuis les Antilles jusqu’au sud des terres australes.

Parmi les espèces les mieux connues de pélicans on compte le pélican blanc (Pelecanus onocrotalus) au plumage d’un blanc rosé, gros comme un cygne et nommée Onocrotale parce qu’on trouvait dans ses cris une ressemblance avec le braiement de l’ane. On ne le rencontre que fort accidentellement en France.

Le pélican huppé ou frisé a le plumage blanc, les liges des plumes du dos et des ailes noires, avec une huppe à l’arrière de la tête.

Le pélican brun, plus petit que les précédents, a la tête et le cou variés de blanc et de cendré, tout le plumage d’un brun gris marqué de blanchâtre sur le dos, la poche d’un bleu cendré. On le trouve dans les grandes Antilles, sur les côtes du Pérou, au Bengale et à la Caroline du Sud.

Le pélican à lunettes, qui est confiné dans les terres australes, est ainsi nommé parce que ses yeux sont circonscrits par un cercle de peau qui leur forme comme des lunettes.

Le pélican du Jardin d’Acclimatation est armé par le courrier d’Égypte dans les premiers jours d’octobre dernier, oh il a été acheté par l’administration du Jardin. Plet nous a dit en avoir possédé jusqu’à dix à la fois, ce qui ne devait laisser de coûter fort cher à l’établissement. En 1861, je me rappelle avoir vu au Jardin d’Acclimatation deux pélicans mâle et femelle, dont l’un avait été donné par Kœning Bey. Tous ces pélicans ont montré les mêmes habitudes et le même caractère que le bon et vorace Cadet que chacun peut voir actuellement.

Ernest Menault


LE JARDINAGE DE LA JEUNESSE
JANVIER ET FÉVRIER
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Nous supposons que nos jeunes lecteurs disposent en propre d’une portion de terrain, qu’ils aiment à cultiver.

Nous voulons leur indiquer, mois par mois, quelle est la meilleure marche à suivre pour retirer du tra-

  1. Suite et fin. — Voy. pages 79, 96, 110 et 124.