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« Slippery Jack », dit Juan. Jack l’insaisissable était en effet le plus fameux voleur du pays et l’un des plus grands scélérats de tout l’Orégon.

«Dire que je l’ai tenu au bout d’une corde, dit Pete, et que je n’ai pas serré le nœud parce que j’avais besoin d’une voix pour mon élection à l’Assemblée législative!»

Je fis mes compliments à Pete.

«Oh! dit-il, les affaires politiques sont réglées maintenant, et il serait bien possible que d’ici à ce soir j’aie diminué d’une unité le nombre de mes commettants.»

Il frappa d’une manière significative la crosse de sa longue carabine, et notre discussion cessa.

Nous approchions du revers du plateau qui descendait dans la vallée. Les traces de nos voleurs devenaient de plus en plus fraîches et nombreuses. Juan nous dit qu’il lui semblait entendre au loin le mugissement d’un taureau.

Au bout d’une autre demi-heure de galop effréné, nous vîmes le ruisseau tourner soudainement à droite. A gauche s’étendait une prairie d’où je crus pouvoir obtenir une vue de la vallée. Je m’y élançai et me trouvai bientôt arrêté sur le bord d’un immense ravin large de 100 à 200 mètres et profond d’au moins 300.

Cette énorme fissure allait, se creusant et s’élargissant, jusqu’au fond de la vallée, dans laquelle elle se confondait à environ deux milles de l’endroit où j’étais. Guidé par un filet de fumée bleuâtre, si mince et si vaporeux que pendant quelques minutes je me demandai si c’était bien de la fumée, je courus avec toutes les précautions possibles le long du ravin, jusqu’à ce que j’arrivai à environ un demi-mille (800 mètres) du lieu où j’apercevais la fumée. Alors, mettant pied à terre et m’avançant avec précaution en me cachant derrière les arbres, j’explorai de nouveau du regard les profondeurs de la vallée, où, délicieux spectacle! je vis enfin nos bestiaux, nos mules et trois atroces gredins qui faisaient tranquillement cuire leur dîner.

Je courus à l’endroit où j’avais laissé mon cheval, l’enfourchai et rejoignis Pete et les autres, à qui je dis qu’ils faisaient fausse route. Il n’en était rien cependant, car les traces que nous avions reconnues se multipliaient. Le lit du ruisseau changea bientôt de direction et par une descente rapide nous mena bientôt à la vallée, où il rejoignait un petit cours d’eau qui descendait du ravin que j’avais reconnu.

Les voleurs, il n’y avait pas à en douter, avaient remonté ce nouveau cours d’eau, en passant dans l’eau pour cacher leurs traces, et étaient arrivés au ravin où, se croyant en sûreté, ils s’étaient arrêtés pour laisser reposer leurs bêtes. Sans mon heureuse diversion, ils auraient fort bien pu nous échapper, car nous aurions pu les chercher toute la nuit dans la vallée sans les trouver.

Nous attachâmes, pour plus de précaution, nos chevaux à des arbres et continuâmes notre poursuite à pied, marchant sur le flanc de la colline pour éviter les coups de feu de quelque sentinelle en embuscade sur le bord de la petite rivière.

Cette précaution n’était pas superflue: car, en arrivant près du ravin où nos adversaires étaient cachés, Pete me montra un homme qui montait la garde en se promenant à pas de loup le long d’un petit bouquet d’arbres.

M’ayant enjoint de rester où j’étais et d’arrêter la marche en avant de nos camarades, Pete s’avança,