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pouvaient prendre à travers les plaines une douzaine de directions différentes. L’important était donc de se hâter, sans pourtant tout risquer en se précipitant à l’aventure sur la première piste venue.

Dans cette conjoncture, le Mexicain (dont nous ignorions les antécédents et qui très-probablement avait quitté les charmes d’une vie de brigandage pour ceux d’une honnête existence) se trouva être un atout dans notre jeu.

Nous conduisant, à un mille environ, vers une petite colline qui semblait avoir été placée là par quelque caprice de la nature, notre guide nous fit monter au sommet. Nous eûmes de là une vue si magnifique du pays environnant, que nous ne pûmes nous empêcher de pousser des cris d’admiration.

A l’est tournait une longue et large vallée, de l’autre côté de laquelle s’élevaient les montagnes qui nous cachaient la fourche septentrionale de la Thompson. Entre ces montagnes et nous, quelque part dans la vallée, nous savions que devaient se trouver nos ennemis, hâtant leur marche vers l’un des cols de la chaîne qui étaient au nombre de trois : l’un très-grand, à quelque distance au nord, au-dessus de nous; les deux autres presque en face de nous et plus rapprochés l’un de l’autre, mais de moindres dimensions et, selon toute apparence, d’un accès moins facile que le premier.

Au loin, à travers ces ouvertures, on pouvait apercevoir les sommets escarpés et neigeux des montagnes Rocheuses. Comme je m’abandonnais à la contemplation de ce spectacle grandiose, Pete me saisit le bras : «Eh bien ! jeune homme, allons-nous cesser de regarder le ciel et nous occuper de nos affaires ? Écoutons ce que le Mexicain veut nous dire.»

Juan regarda d’abord en amont, puis en aval, comme s’il voulait lever le plan de la vallée. Au bout de quelques instants, il sembla fixé, et indiquant du doigt les deux cols de la montagne rapprochés l’un de l’autre en face de nous :

«Voleurs de chevaux par là, Pedro.

—J’aurais cru qu’ils se seraient dirigés vers cette passe, dit Pete en montrant, vers le nord, la gorge la plus large, ils y trouveraient un chemin plus facile.

—Voleurs de chevaux pas chercher chemins faciles ; chercher, s’en aller vite. Nous les trouver par ici.» Restait à découvrir un chemin pour arriver au pied des deux passes, ce à quoi notre position élevée nous aida beaucoup. Nous apercevions, non loin de nous, un petit lac presque à sec, mais qui, à l’époque de la fonte des neiges, donnait naissance à un cours d’eau qui se dirigeait vers la vallée, à travers un bois épais de sapins rabougris.

Nous descendîmes de notre observatoire, remontâmes à cheval et nous dirigeâmes en toute hâte vers le cours d’eau dont nous avions reconnu la direction.

A suivre

R. B. Johnson.


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LES CAUSERIES DU JEUDI

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LE MARIAGE DE L'EMPEREUR DE LA CHINE

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– Or, sachez, mes enfants, que, le 16 octobre dernier, un grand événement s'ést accompli.

– Et quoi donc, oncle Anselme ?

– Ce jour-là le Fils du Ciel s'est marié.

– Le Fils du Ciel !

– Oui, autrement dit le chef sublime de cet immense pays que nous appelons la, Chine, que les Chinois qualifient plus ordinairement de Céleste Empire, en affirmant, de très-bonne foi, que le souverain qui règne sur eux à pour vassaux naturels tous les souverains de la terre.

– Ce souverain doit être alors un bien vénérable, bien grave, bien imposant personnage ?

– Oh ! vénérable, grave et imposant tout à fait! Jugez-en. Son père s'appelait Hien-fung, ce qui, dans la langue du pays, signifie Félicité parfaite ( ceci évidemment par allusion à l'heureuse condition de ses peuples); son grand-père avait nom Tao-Kouang, ce qui se traduit par Splendeur de la raison; quant à lui, lorsqu'il monta sur le trône âgé seulement de cinq ans, il fut appelé Ki-tsiang, ou' si vous aimez mieux, Supreme bonheur, toujours sans nul doute par allusion à l'état de béatitude dans lequel allaient se délecter ses sujets. Depuis on a changé ce nom en celui de Toung-çhi, dont la signification doit évidemment enchérir, sur celle du premier, car lorsque, à cinq ans on s'appelle déjà Suprême bonheur, qu'est-ce, qu'il en doit être dix ou onze ans plus-tard!

Toung-chi est le 8 occupant du trone <dopuis l'avénement de la dynastie dés Tsing's, qui commença de régner en 1664 ; à peu, près vers l'époque où la couronne de France fut posée sur le front de Louis XIV. Ce fait fournit ce, singulier rapprochement entre là Chine et la France, que dans le même espace de temps les deux pays – mis à part, pour nous, les interrègnes, républicains – eurent le meme nombre de souverains.

Il est, en outre, le 245e Fils du Ciel, d'après des tables chronologiques qui remontent quelques cinq mille ans, et qui vont se perdre, non pas,"comme on dirait chez nous, dans la nuit, mais dans la clarté des temps ; car dans ce pays où tout parait se faire à l'opposé du nôtre, c'est particulièrement', sur les époques -lointaines que luit le grand et glorieux jour de l'histoire.

Chez eux, c'est de là que tout date.: puissance, unité ; science, art, industrie ; littérature. Il semble, en effet que cette étrange nation soit tombée du ciel toute formée,-toute civilisée, tout organisée Depuis cette époque, clip, n'a fait. aucun mouvement ni en avant