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Jusqu’alors du reste les pompiers n’avaient été que des gens payés d’abord par le concessionnaire des •pompes, puis par la ville, mais qui, bien qu’embrigadés de plus en plus militairement, se recrutaient, comme encore aujourd’hui dans les départements, parmi les ouvriers en bâtiment. Enfin, en 1801, l’or-’ganisation du corps des sapeurs-pompiers de Paris ‘fut radicalement modifiée, en cela que les" hommes destinés à former ce corps furent pris dans l’armée. Et depuis il en a toujours été ainsi.

Mais si lentement que le progrès se fût accompli à Paris, encore avait-il laissé loin en arrière nos villes de province, et notamment nos campagnes. Il me souvient que mon grand-père, qui avait visité la Suisse vers 1780, — alors que les bons offices des pompiers passaient encore inaperçus à Paris, — y avait déjà vu le fonctionnement régulier des compagnies bourgeoises de pompiers établies jusque dans les villages. Aussi s’indignait-il quand, soixante ans plus tard ; il voyait encore que beaucoup de nos villes étaient à peine munies de quelques mauvaises pompes, manoeuvrées sans méthode, et que nos chefs-lieux de canton en ignoraient assez généralement l’usage.

Dans ces vingt dernières années seulement les municipalités rurales ont songé à se procurer ces utiles engins. Pour ma part, je sais fort bien que, vers 1855, assistant aux débuts d’une pompe de village dans un r sinistre très-sérieux , nous qui la .desservions, nous -dûmes engager une véritable bataille, pour obtenir que les paysans routiniers nous donnassent l’eau de leur seau, au lieu d’aller la perdre en la lançant à tour de bras du côté du brasier — qu’ils n’atteignaient pas :

Dois-je- noter en finissant que, d’après les statistiques de la ville de Paris, sur une moyenne annuelle de 800 incendies, on en compte une vingtaine qui sont allumés par des enfants jouant avec le feu ? Oui, cette remarque est bonne à faire : c’est pourquoi je la fais. Que ceux qui ont des oreilles entendent ! que ceux qui savent réfléchir réfléchissent !


L’oncle Anselme.

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FAITS DIVERS


Les nouveaux noms des lycées et collèges de France. — Dernièrement un arrêté ministériel, a décidé que le collège de Blois s’appellerait à l’avenir collège Augustin Thierry, en l’honneur du célèbre historien que le département de Loir-et-Cher a vu naître.

Cette mesure de juste glorification a été si favorablement accueillie, qu’il serait question de la généraliser pour tous les lycées et collèges’ de France, en donnant à chacun de ces établissements le nom d’un des savants ou écrivains illustres liés dans la localité.

A Mâcon, il y a déjà le lycée Lamartine, en souvenir du grand poète contemporain. Nous savons que Troyes envie pour le sien le parrainage T de Pithou le jurisconsulte, le philologue, le poêle latin qui fut une des plus vives lumières du xvi° siècle ; Amiens voudra Ducange, Périgueux Fénelon, Montbéliard se rappellera Cuvier, Perpignan se réclamera de François Arago... Certaines villes, à vrai dire, risqueront d’être fort embarrassées dans leur choix ; mais toujours est-il que c’est là une idée excellente à laquelle-nous applaudissons de grand cœur. Outre l’hommage rendu aux grands hommes dont la patrie ne saurait trop s’enorgueillir, c’est encore, nous semble-t-il, offrir un puissant stimulant au zèle des jeunes esprits que de faire plaber sur les’lieux où l’étude les réunit le souvenir personnifié de ce que peuvent les nobles efforts de l’intelligence et clu savoir.


La peur. — Un négociant de Paris avait deux fils, dont Fini nommé Cyprien, âgé de quatorze" ans, a ^ toujours eu la plus grande horreur des ténèbres. Son. frère, .plus jeune, qui était au-dessus de cette faiblesse, aimait à railler Cyprien, et à lui jouersde malins tours que, à la vérité,, il considérait comme de, simples espiègleries.

L’autre soir, Cyprien entrant, avec une bougie, dans la chambre de son père, croit voir remuer d’une étrange façon les rideaux du lit. La frayeuç s’empare de lui ; troublé, effare, ibposeia bougie sur une table, - cl court ouvrir la fenêtre pour appeler du secours. ... Quand il se retourne, la bougie est éteinte. Il croit à quelque intervention surnaturelle, tandis que c’est tout bonnement une malice du «jeune frère, qui s’est échappé du lit dont il agitait les rideaux. Toujours est-il que Cyprien ne se connut plus.

L’instinct de la défense persiste cependant. Il sait ou est pendu un revolver chargé, il le prend à tâtons, et veut sortir de la chambre. Mais une forme étrange lui barre le passage ; il allonge le bras, il fait feu...

On accourt au bruit ; et l’on trouve les deux frères étendus saus mouvement. Cyp ri en V était qu’évanoui, mais l’autre enfant — qui avait voulu, par jeu, effrayer Cyprien — gisait blessé mortellement au côté. par là balle du revolver.

Nous croyons pouvoir tirer deux conclusions de cette tragique aventure. Tout d’abord il est profondément regrettable que des enfants, même fort intelligents, ne sachent pas surmonter le vain, le ridicule effroi que leur inspire l’ombre répandue autour d’eux. Mais, étant, donnée cette déplorable pusillanimité, ceux qui ont plus de force de caractère ne doivent pas s’en, prévaloir pour imposer des épreuves qui ont toutes les chances de devenir funestes, soit à celui qui les imagine, comme nous venons de le voir, soit à celui qui, les subit. Il est avéré que la frayeur peut tuer une personne, ou tout au moins causer chez elle, au moral et au physique, des, désordres irréparables et de la plus triste gravité.