J’essaie de ne pas avaler, c’est trop tard.
— Il ne faut pas médire de la cuisine chinoise, dit Durec. Elle a été inventée par des poètes. Mais c’est une race qui mange depuis trop longtemps : alors elle a le palais blasé et elle complique.
L’officier anglais qui, dès qu’apparaît un des serviteurs chinois, a l’air d’un géant, verse dans mon gobelet un thé chaud. Je bois : c’est du vin.
— C’est le saké, me dit mon voisin.
— Excellent, affirmai-je en tendant à nouveau mon godet.
Le jeune Anglais qui dévore manie les shopsticks avec une dextérité que j’admire, envieux. Ils ont l’air du prolongement même de sa main. Les bâtonnets deviennent une pince qui ne rate jamais un morceau, si glissant soit-il. Je remarque que le bout des shopsticks ne touche jamais ses lèvres, alors que, pour ne pas la rater, je mords les bâtons lorsque ceux-ci réussissent leur pêche.
Le gros petit maître d’hôtel rentre, portant une soupière dans laquelle il se passe quelque chose. Il la pose sur la table : la soupe, balancée, révèle maintenant des petits corps gélatineux et des herbes.