Page:Le dragon blesse Croisset Francis 1936.djvu/279

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seuil, sa femme accroupie se prosterne à son arrivée, le dîner du soir l’attend dans des soucoupes menues disposées méticuleusement sur un plateau de laque. Vite son kimono où il se sent à l’aise, sa natte où il s’étendra après l’inconfort des fauteuils et des chaises, son thé et son saké après ces horribles vins importés, son langage à lui après l’affreux idiome des barbares, et surtout ses panneaux de papier, ses paravents délicats, la clarté de sa petite maison si propre après l’horreur des buildings qu’il a construits pour prouver qu’il vaut bien un blanc, ces blancs que toute son âme méprise ! Demain, il revêtira à nouveau leur livrée, non point par souci de les imiter, mais pour les vaincre. Car, ce que les autres peuples ont réussi, ceux qui dominent la terre, lui, Japonais, entend le réussir à son tour. Les barbares sont fiers de leurs avions, de leurs chemins de fer, de leurs automobiles, de leurs industries, de leurs cités de pierre, de leurs métros, de leurs téléphones. Il créera tout cela, lui aussi, en copiant d’abord, en inventant après. Et non seulement, afin de prouver la supériorité de sa race, il créera une industrie, fondera une bourse, moder-