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— Temps moins chaud, m’avait dit mon boy en me réveillant. Pluie.

Est-ce vraiment de la pluie ces myriades d’étincelles qui, sur le pont, s’éteignent en tombant ?

Gonflé par la crue, le Si-Kiang, entre des rives souvent invisibles et toujours brouillées, roule d’interminables flots bilieux. Je regarde cette immense nappe qui, de l’ocre au citron, est inlassablement jaune. Une fiévreuse odeur monte que je respire malgré ma cigarette. J’essaie de lire, il fait trop chaud. Enfin, je m’endors.

À peine réveillé, je constate que nous approchons de Canton. L’eau rétrécie s’anime et peu à peu j’ai l’impression non plus d’un fleuve, mais d’un boulevard d’eau, tant la grande avenue liquide est maintenant encombrée. Des milliers de jonques, leurs mâts de fibre au garde-à-vous, bordent les deux rives entre lesquelles vont et viennent des barques, des canots, des voiliers, des petits vapeurs, des chalands. Parfois, une jonque antique en forme de galère embellit le fleuve de sa noble proue chamarrée.

Sur tout cela s’affairent des corps cuivrés et à demi-nus, des blouses bleu pas-