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Sur ma réponse affirmative, il me serre la main, — celle qui me fait mal —, et me quitte en s’écriant :

— Alors, tout va bien. Je reviendrai dans quarante-huit heures, question de bavarder.

Convié le soir à la légation de Bolivie, je me repose avant dîner sur le balcon en contemplant les toits oranges de la cité violette. L’air est léger. Au ciel limpide monte une lune encore pâle et la poussière de la large avenue commence à se teinter de rose. L’engourdissement heureux de Pékin me gagne, mon âme « flotte », — ceux qui ont vécu à Pékin ne jugeront pas cette expression ridicule. En voyage, d’ailleurs, j’éprouve souvent ce détachement : l’âme qui fait la planche.

On frappe à ma porte. C’est le secrétaire de la légation de Bolivie, Panchito. Je ne le connais que sous ce prénom, son nom étant trop compliqué à retenir.

Une trentaine d’années, une figure poupine, amoureux de toutes les femmes, bavard comme une vieille Chinoise et essayant, ébloui par le chic britannique, de se donner le genre anglais. Il est en tenue de polo et, encore transpirant, s’est enve-