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mença à ſe douloir, & penſa en elle comment elle pourroit faire quelque feruiteur pour tenir la place de ſon mary, voyant qu’elle eſtoit fort ſolicitee de Maurice Taleys, beau, ieune & hardy, d’aſſez baſſe condition & de mauuaiſe vie, elle meſme bruſloit tous les iours de l’amour de Taleys, & luy d’elle : tellement qu’elle laſcha la bride à toutes ſes voluptez, quictant la foy & amour coniugalle. Le Seigneur Apian ſon mary la manda pluſieurs fois, ce qu’elle refuſa. Le mary indigné, luy remanda derechef de ne faire faute de le venir trouuer, vſant de menace : la Damoyſelle ſ’eſtant excuſee, luy remanda qu’elle eſtoit malade, & craignoit que l’air de Naples ne la feit mourir. Vn iour eſtant auec ſon fauory Taleys, luy monſtra les lettres de ſon mary, ou en fin conſpirerent la mort du Seigneur Apian : La cõcluſion eſtoit qu’Anne deuoit aller viſiter ſa ſœur Lucienne à trois iournees de Lucere, au chaſteau de Barſeils, ou par ſemblable ſe deuoit trouuer Taleys, & là parferoient leurs machinations. Elle eſtãt aduertie que ſon beau frere eſtoit allé en quartier pour faire mõſtre, monta à cheual & ſ’achemina pour aller veoir ſa ſœur. Eſtant pres du chaſteau, enuoya ſon laquaiz pour l’aduertir de ſa venuë, dont la Damoyſelle fut bien ioyeuſe, & ſ’en alla au deuant de ſa ſœur, menant auec elle ſes deux petis fils : ayant premierement donné ordre à ſa maiſon pour la feſtoyer. Or apres la reception & les accollades faites, ſ’acheminerent iuſques