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s’en retourna à Lucere eſpérant y trouuer ſa fauorite, pour luy compter le tout. Ce bon Seigneur Apian ſe trouuant ſaiſi de mal, delibera ſe retirer en ſa maiſon ou il ne peut, & deceda à deux lieues près. Anne eſtant à Barſeils auec ſa ſœur fut aduertie par le laquaiz qu’elle auoit enuoyé, du departement de ſon mary, pour venir en ſa maiſon dont elle mõſtra ſigne de ioye, & prenant congé ſe retirant à Lucere où elle trouua ſon mary decedé, dont elle monſtra ſemblant de mener grand dueil. En fin fiſt faire les funerailles, où pluſieurs Gentilshõmes ſ’y trouuerent, ſpecialement le pere de la Damoyſelle qui tous enſemble la reconforterent. Les obſeques faites chacun ſe retira à ſa maiſon. Talleys vint viſiter ſa Dame, ou il conta tout le fait dõt elle fut ioyeuſe, diſant : nous pourrons deſormais viure enſemble auec contentement & ſans crainte. Il ſeroit bon de me faire demander en mariage à mon pere, car vueille ou non, ie n’auray iamais autre que vous. Talleys n’oublia à faire ce que ſa Dame luy auoit enchargé, à laquelle le pere ne feit aucune reſponſe : de quo’y eſtãt aduertie (poſſedee du diable) fut troublee, & imagina comment elle ſe pourroit venger de luy, & le faire mourir : ou ſans autre deliberatiõ propoſa d’empoiſonner ſondit pere, ſa ſœur, & ſes deux neueux, pour mieux faire à ſon plaiſir, ſans contredit & iouïr des biens. Ce pendant le Seigneur Alphonce de Barſeils tomba malade à ſa maiſon, ou le pere de Lucienne l’alla viſiter