Page:Le discours d’une tres-grande cruauté commise par une damoyselle nommee Anne de Buringel, 1587.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7

gera leur courage. Ie ne dis pas cecy pour moy car (comme ie vous ay dict) ie n’ay nulle occaſion de me plaindre.

Sur ces propos arriuerent quelques Damoyſelles voiſines de Luciẽne, qui fut cauſe de dõner fin à leurs deuis : & apres ſ’eſtre entre ſaluées commencerent à deuiſer en attendant l’heure du ſoupper ou la Damoiſelle du chaſteau pourueut. Incontinent arriua Maurice Talleys, & deux autres Gentilshommes qui furent les bien venuz & bien feſtoyez. Apres ſoupper ſ’en allerent pourmener au iardin ou Talleys print Anne ſa fauorite, ſous les bras, & commencerent à deuiſer comment ils parferoient leur entrepriſe. Elle commẽça ſon propos diſant : Mon bien aymé, vous ſçauez comme i’ay eſté mariée malgré moy à ce vieiliard qui ne tient conte de moy, & crains qu’il ne ſçache noſtre fait, & comme tout ſe paſſe : vous aſſeurant que ſ’il en eſt aduerti c’eſt fait de vous & de moy auſſi, & le plus expedient eſt de le faire mourir le plus finement qu’il ſera poſſible, affin que ſans murmure nous puiſſions acheuer noz amours en ioye : toutesfois à la charge de me prendre à femme & eſpouſe, ie vous feray le plus riche & opulent du pays. Le malheureux reſpondit : Ie vous iure & vous promets, que ie ne vous veux deſobeir en façon que ce ſoit, & accompliray tous voz deſſeings. Or bien donc vous irez à Naples & ie vous bailleray laquaiz auec lettres que i’enuoyeray à mon mary, & incõtinent que l’au-