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graue, que ne le ſçaurions blaſmer : & meſmes par pluſieurs fois m’a raconté la bonne amour qu’il vous portoit, & nous monſtra lettres de voſtre refus de l’aller trouuer dans Naples, vous excuſant eſtre malade, & craignez l’air d’iceluy. Outre nous diſt qu’il ſeroit cõtent ſ’il pouuoit, ſ’abſenter pour quelque temps de Naples, pour ſe retirer à ſa maiſon : ce qu’il ne pouuoit faire pour l’amour de ſa charge. Anne fort courroucee reſpond : O Dieu quelle pitié ? Ie penſe en moy que mes malheurs augmentent iournellement de plus en plus, pour ce que celle qui me deuroit conſeiller & ſecourir ſe mõſtre à demy ennemye, adiouſtant pluſtoſt foy aux parolles feintes de mon mary qu’aux miennes ? Parquoy ſi vous le cognoiſſiez auſſi bien que moy vous ne diriez pas tels propos, & n’eſtes pas bien informée des actes & bons tours qu’il faict à Naples non content d’vne fauorite, en a trois, voire quatre : & ne ſe fault esbabyr ſi nous n’auõs lignee choſe qui me contriſte grandement, & ſerois biẽ courroucee de vous declarer vne choſe que i’ay ſur le cœur encores que vous ſoyez ma ſœur. La ieune Damoyſelle adiouſtant foy à ſes parolles, luy diſt : Ma biẽ aymee ſœur, ie vous prie ne trouuer eſtrange les propos que ie vous ay dit de prime face, car à ce que ie vois les hõmes ſont mal-ayſez à cognoiſtre : Mais en ces affaires, il nous conuient prier Dieu, & comme vertueuſes eſſayer par tous moyens d’attirer la grace de noz marys, & certainemẽt Dieu chan-