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PREFACE

Aprés que l'Académie Françoise eut esté establie par les Lettres Patentes du feu Roy, le Cardinal de Richelieu qui par les mesmes Lettres avoit esté nommé Protecteur et Chef de cette Compagnie, luy proposa de travailler premierement à un Dictionnaire de la Langue Françoise, et ensuite à une Grammaire, à une Rhetorique et à une Poëtique.

Elle a satisfait à la premiere de ses obligations par la composition du Dictionnaire qu'elle donne presentement au Public, en attendant qu'elle s'acquitte des autres.

L'utilité des Dictionnaires est universellement reconnuë. Tous ceux qui ont estudié les Langues Grecque et Latine, qui sont les sources de la nostre, n'ignorent pas le secours qu'on tire de ces sortes d'Ouvrages pour l'intelligence des Autheurs qui ont escrit en ces Langues, et pour se mettre soy-mesme en estat de les parler et de les escrire. C'est ce qui a engagé plusieurs sçavans hommes des derniers siécles à se faire une occupation serieuse de ranger sous un ordre methodique tous les mots et toutes les plus belles façons de parler de ces Langues, pour le soulagement de ceux qui s'y appliquent avec soin.

Le Dictionnaire de l'Académie ne sera pas moins utile, tant à l'esgard des Estrangers qui aiment nostre Langue, qu'à l'esgard des François mesmes qui sont quelquefois en peine de la veritable signification des mots, ou qui n'en connoissent pas le bel usage, et qui seront bien aises d'y trouver des esclaircissemens à leurs doutes. On peut dire aussi, que ce Dictionnaire a cet avantage sur tous les Dictionnaires de ces deux Langues celebres de l'Antiquité, que ceux que nous avons, n'ont point esté composez dans les bons siecles ; Mais par des Modernes, ou par des Autheurs qui ont veritablement vescu durant qu'on parloit encore les Langues Grecque et Latine, mais non pas dans leur ancienne pureté. Nous n'avons point de Dictionnaires du siecle de Ciceron ni du siecle de Demosthene, et si nous en avions, il n'y a pas de doute qu'on en feroit beaucoup plus d'estat que des autres, parce qu'ils seroient considerez comme autant d'Originaux, et ceux qui auroient composé ces Dictionnaires, n'auroient point eu besoin de citer les Passages des autres Autheurs en preuve de leurs explications, puisque leur tesmoignage seul auroit fait authorité. Le Dictionnaire de l'Académie est de ce genre. Il a esté commencé et achevé dans le siecle le plus florissant de la Langue Françoise ; Et c'est pour cela qu'il ne cite point, parce que plusieurs de nos plus celebres Orateurs et de nos plus grands Poëtes y ont travaillé, et qu'on a creu s'en devoir tenir à leurs sentimens.