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EPISTRE.

dont l'Eloquence & la Poësie peuvent former des éloges ; mais nous avouons, SIRE, qu'en voulant travailler au vostre, vous nous avez fait sentir plus d'une fois la foiblesse de nostre Langue. Lorsque nostre zele ou nostre devoir nous ont engagez à celebrer vos exploits, les mots de valeur, de courage & d'intrepidité nous ont paru trop foibles ; & quand il a fallu parler de la profondeur & du secret impenetrable de vos desseins, que la seule execution découvre aux yeux des hommes, les mots de prévoyance, de prudence & de sagesse mesme ne respondoient qu'imparfaitement à nos idées. Ce qui nous console, SIRE, c'est que sur un pareil sujet les autres Langues n'auroient aucun avantage sur la nostre. Celle des Grecs & celle des Romains seroient dans la mesme impuissance, le Ciel n'ayant pas voulu accorder au langage des hommes des expressions aussi sublimes que les vertus qu'il leur accorde quelquefois pour la gloire de leur siecle. Comment exprimer cet air de grandeur marqué sur vostre front, & respandu sur toute vostre Personne, cette fermeté d'ame que rien n'est capable d'ébranler, cette tendresse pour le peuple, vertu si rare sur le thrône, & ce qui doit toucher particulierement des gens de lettres, cette eloquence née avec vous, qui tousjours soustenuë d'expresions nobles & précises, vous rend Maistre de tous ceux qui vous escoutent, & ne leur laisse d'autre volonté que la vostre. Mais où trouver des termes pour raconter les merveilles de vostre Regne ? Que l'on remonte de siecle en siecle, on ne trouvera rien de comparable au spectacle qui fait aujourd'huy l'attention de l'Univers : Toute l'Europe armée contre vous, & toute l'Europe trop foible.