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PREFACE.

affection particuliere pour cette Compagnie qu'il regardoit comme son ouvrage, l'avoient fait resoudre de luy faire bastir une Maison pour y tenir ses Conferences. Mais les dernieres années de sa vie ne furent pas assez tranquilles pour lui permettre d'executer sa resolution, et de donner en cela des marques de cette Magnificence qui se mesloit à tous ses desseins. Ainsi l'Académie n'ayant point de lieu fixe ne s'assembloit que rarement dans les maisons de quelques particuliers de son Corps. Cela dura jusqu'à ce que Monsieur le Chancelier Seguier, qui estoit de l'Académie, lorsque Monsieur le Cardinal en estoit Protecteur, luy succeda en cette qualité. Il offrit alors sa maison à la Compagnie, qui commença à s'y assembler une apresdinée de chaque semaine. Les exercices des Académiciens, n'avoient pas même esté bien reglez dans les commencemens. Ils s'occuperent d'abord à faire des discours d'Eloquence qu'ils apportoient tour à tour, et qui n'avoient aucune relation au Dictionnaire. M. de Vaugelas qui s'estoit chargé d'y donner la premiere forme y travailla veritablement, et en fit les deux premieres Lettres ; Mais son travail n'estant point dans la methode qu'on a suivie depuis, il fallut recommencer aprés sa mort ce qu'il avoit fait pour conserver l'uniformité du plan que l'Académie avoit arresté. Monsieur le Chancelier s'estant trouvé absent de la Cour dans ce temps-là, et plusieurs Académiciens qui avoient pour luy un attachement particulier l'ayant accompagné, l'ouvrage avançoit fort peu. Cette interruption dura jusqu'en l'année 1651. que Monsieur le Chancelier revint à Paris, où il fut receu avec un applaudissement universel. Ce fut luy-mesme qui proposa à l'Académie de s'assembler deux fois la semaine, pour haster le travail du Dictionnaire qui n'en estoit encore qu'à la moitié de la troisiéme Lettre, et ainsi on peut dire que c'est seulement depuis l'année 1651. que l'on y a travaillé serieusement. La premiere composition en fust achevée vers le temps de la mort de Monsieur le Chancelier, qui arriva le premier jour de l'année 1673. Ce fut alors que le Roy ayant bien voulu se declarer le Protecteur de l'Académie, et luy donner dans le Louvre l'appartement où elle tient ses assemblées, elle se vit élever au comble du bonheur dont elle jouït presentement. Elle a depuis travaillé regulierement trois fois la semaine deux heures par chaque seance, et elle ne s'est occupée à autre chose qu'à revoir ce qui avoit esté fait. Ce second travail n'a pas moins cousté de temps à l'Académie que le premier, et cela ne se peut pas faire autrement, à cause de la maniere de travailler des Compagnies en general et de l'Academie en particulier, où tous ceux qui la composent disent successivement leur avis sur chaque mot et où la diversité des opinions apporte necessairement de grands retardemens. La celebre Académie de Florence connuë sous le nom della Crusca en est une preuve convaincante. Elle a employé quarante ans à composer le Dictionnaire dont elle a enrichi la Langue Italienne et plus encore à l'augmenter et à le perfectionner, ce qui l'a mis en Estat de servir de regle pour toutes les difficultés de cette Langue. Et c'est en cela que la lenteur du travail d'une Compagnie est avantageusement recompensée par l'authorité de ses Décisions.