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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

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La Révolution Françoise qui , dans sa marche, devoit rencontrer tous les obstacles, devoit aussi donner dans tous les excès. Les excès dont on doit le plus gémir et rougir, ont été des actes : mais ceux-là ont toujours été précédés par des excès dans les opinions.

Durant plusieurs années, tout ce qui n’est pas entré dans la Révolution comme instrument et comme acteur, a été regardé et traité comme contre-révolutionnaire.

Il y avoit trois Académies en France, l’une consacrée aux Sciences, l’autre, aux recherches sur l’Antiquité, Ja troisième, à la Langue Françoise, et au Goût. Toutes les trois ont été accusées d’aristocratie, et détruites comme des institutions royales, nécessairement dévouées à la puissance de leurs fondateurs.

Il falloit, je le crois, les détruire pour les recréer sous d’autres formes : il falloit que la République eût son Institut des Arts et des Sciences, né avec sa Constitution, destiné, par son origine même, à décorer la Liberté, à la fortifier, à la propager dans le monde comme la lumière. Mais il falloit surtout être juste et vrai ; et la vérité et la justice ordonnoient de compter les trois Académies, leurs travaux, leurs ouvrages , leurs influences, parmi les causes qui ont le plus contribué à préparer la Révolution, à donner à la France le génie qui devoit la conduire à la République.

L’Académie des Sciences, toujours occupée de la nature et de ses lois, devoit nécessairement découvrir, dans les mêmes recherches, la nature de l’homme, ses droits et les lois de l’ordre social. L’exactitude rigoureuse de la Langue des Mathématiques, devenoit , pour toutes les Langues et pour toutes les connoissances humaines, un modèle qui apprenoit à éloigner de nous les erreurs, à rapprocher les vérités.

L’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, fouillant toujours dans les ruines de l’Antiquité, devoit y trouver, partout, les monumens, les pensées, les lois, les sentimens de ces Républiques de la Grèce et de Rome, dont l’Histoire a été la plus éloquente protestation du genre humain contre toutes les espèes de tyrans et de tyrannies.

L’Académie Françoise ne sembloit appelée ni à de si grands objets, ni à de si hautes destinées : instituée, protégée par des Ministres, par des Rois, dont les éloges revenoient incessamment dans tous ses discours, on eût dit que l’unique et servile objet de sa fondation étoit l’art de cacher la bassesse de la flatterie sous les vains agrémens de la parole.

Entre les trois Académies, l’Académie Françoise, cependant, est celle qui a


Tome I.

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