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LE MIROIR,
Fragment d’un voyage en Béarn, au XVI. siècle.


— Vous êtes bien distraite, ma fille, dit tout bas la reine de Navarre, à Violette : savez vous ce que vous avez écrit sur leur livre d’archives ? Mon nom, répondit Violette, encore émue et pâle. — Un autre, répliqua la reine : Je veux mourir si je n’ai pas lû le nom d’Isolier. — Hé ! mon Dieu ! madame, lui feront-ils quelque mal par ma faute ? — Chut ! chut, répondit Marguerite ; on ne fait là de mal à personne. J’espère que notre visite a été longue, poursuivit-elle, en s’adressant à tous ; si d’Istel voulait me faire croire aux pressentimens, il nous découvrirait ici de quoi réparer nos forces ; car Dieu a dit : Vous mangerez ce que vous trouverez.

— « Il a dit aussi : Aide-toi, je t’aiderai, cria le page ; et il rapporta presque aussitôt pleins ses bras de biscuits, de viandes froides, de fruits secs et de bouteilles, que le vieux châtelain, lui-même, décoré de sa branche d’épine symbolique, ne trouva pas sans quelque grâce, après trois heures de chartreuse : il pensa aux noces de Cana ; s’inclina, et but !

On s’assit au même lieu où d’Istel avait chanté ; car le chariot y était resté sur la foi d’une vaste et entière solitude ; on n’apercevait, sur la pente de la plus haute montagne, qu’un petit pâtre, aux jambes noires et nues, surveillant quelques chèvres pendantes aux flancs du rocher ; sans doute il croyait aux contes des fées, en regardant, au fond de la vallée aride, ce groupe d’êtres si peu semblables à lui.

D’Istel l’appela d’en bas, ce qui fit fuir et grimper l’enfant sauvage tout en haut du roc, d’où, appuyé sur