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déborde son cœur ; ainsi telle dénomination de dévote qui devrait attirer la bienveillance et l’estime est devenu parmi nous l’équivalent d’une injure pour la personne à qui elle est adressée.

Il est une autre désignation qui porte encore avec elle je ne dirai point le ridicule, notre siècle commence à faire justice de ce reste de barbarie, mais bien un sentiment dédaigneux que je ne saurais qualifier, qui tient le milieu entre l’étonnement et l’ironie, qui semble dire : vous pourriez avoir raison, mais je vous condamne d’avance, c’est plutôt fait. Cette qualification qui entoure d’une atmosphère d’étrangeté la personne qui en est l’objet, surtout en province, est celle qu’on jette à la femme qui écrit. On ne saurait parler dans le monde d’une femme auteur sans se la représenter prétentieuse et pédante, comme s’il n’était pas aussi simple de confier ses rêves et sa pensée à une innocente feuille de papier, que de les dire au milieu d’un salon ou dans une intime causerie ? On peut répondre, il est vrai, que les causeries de salon ne sont recueillies que dans la mémoire de quelques amis, tandis que les feuilles seront livrées aux commentaires du public ? Eh bien ! où est le mal si ces pages, écrites dans un but moral, ont le pouvoir de recréer ou d’instruire ? Et on n’en compterait qu’une sur cent capable d’effectuer un progrès sur l’intelligence humaine que l’utilité du but serait démontrée.

Dira-t-on encore que les femmes, pour conserver leur modestie, doivent rester ignorées et se tenir dans l’ombre ? Je crois, dans la sincérité de mon cœur, qu’une telle précaution, à part ce qu’elle a d’offensant pour notre sexe, n’a servi jusqu’à ce jour qu’à faire des hypocrites ou à livrer sans défense de pauvres créatures ignorantes du monde et des abus de la société, où elles