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Le châtelain dont la ferveur commençait à s’alanguir, entra le premier, dans le creux qui servait d’asile à l’ermite absente. Un lit de bruyères et d’osier sec, était répandu par terre, dans un coin de cette tanière : une mante délabrée, autrefois de couleur éclatante, dénonçait seule une habitation humaine : l’inventaire en fut rapide. — Quel ermitage ! dit le châtelain ; pas un autel, pas une croix ! pas une image sainte ! C’est quelque brute, sans doute, qui vient ici finir un corps sans âme.

— Oh ! madame ! madame ! cria d’Istel, en mettant sa main sur sa bouche, pour ne pas éclater de rire, et Marguerite fut émerveillée d’apercevoir, incrusté dans les crevasses d’un rocher, à la hauteur du regard, un débris de miroir d’acier poli, qui, à l’examen, parut avoir été richement encerclé d’or.

— Ô mon sexe ! dit la reine, avec un attendrissement intime ; sexe enfant à tous les âges ! le poids d’un siècle sur toi, dans le désert, ne change pas ta pente naturelle ; et si tu pleures, tu veux mirer tes larmes !

D’Istel détacha doucement le miroir, où Marguerite vit passer le reflet de sa beauté, douce et recueillie. Ses filles riantes et moqueuses y regardèrent aussi leurs teints roses et leurs dents blanches. Le seigneur d’Aigues Vives rêvait confusément de Madeleine pénitente, au rocher ; et le page voulait emporter cette relique bizarre, peut-être pour faire sourire Angelle.

— N’en faites rien, d’Istel, je vous prie, dit sérieusement Violette, la seule qui eut repoussé le miroir sans s’y regarder : pourriez-vous dérober quelque chose à qui possède si peu ? Que savez-vous si quelque souvenir cher ou sacré, ne s’attache pas à ce fragment frivole ? Je frémirais d’arracher une fleur à l’infortuné qui aimerait les fleurs : je vous en prie, d’Istel, ne courez pas le