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ombre en deuil, et la tienne pleurante à ses genoux, mon cher ange, comme la charité trahie ; alors mon frère se serait troublé ; alors, il aurait fait éteindre ce feu… qui me brûle les joues, d’une honte amère et d’indignation, et dont les cendres maintenant couvent le remords et les étincelles de la colère divine… Ô Violette ! que je suis triste ! que de larmes dans ce cœur qui bat près du tien ! ne me regarde pas, elles tomberaient… imite moi ; fesons comme si nous ne pensions guère ; dis, ce que je dis : tant qu’une main pure et caressante s’approche de nos blessures, encore qu’elles soient inguérissables, on ne veut pas mourir, et l’on s’en remet à Dieu ; car c’est lui qui les charme et les endort !

Ne me regarde pas, ne me réponds pas : écoute seulement, car tu n’es pas en état de parler encore. Mais tu m’entends, toi ! et personne que toi. Tes compagnes n’ont que ton âge, et pourtant les voilà plus près du Louvre que de la Chartreuse. J’aime leur insouciance pour elles ; j’aime ta rêverie pour moi. Diront-elles un mot d’Isabelle qu’elles ont tant regrettée ? Rien. Leurs larmes sont jolies, mais elles ne mouillent pas. Ton tuteur est moins échauffé de fatigue que de colère contre d’Istel, qui le fait monter de force à cet obscure ermitage ; et d’Istel, toujours frotté de tourmentine, s’en venge sur les papillons, que ces jeunes folles attachent vivans à leurs ronces ; écoute ! leurs éclats de rire limpides, comme le roulement de l’eau, nous raillent, n’est-ce pas ? mais c’est innocemment du moins, et je leur sais gré d’être heureuses, comme je voudrais que tu le fusses toujours ! Violette n’osa répondre ; un sanglot l’eût trahie ; mais au regard qu’elle replongea vers la Chartreuse, la reine n’attendit pas le soir pour deviner un triste secret.