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les nourrices gagées sont tout-à-fait inconnues. En Chine, par exemple, une femme se croirait déshonorée, et le serait en effet dans l’opinion publique, si elle n’allaitait pas son enfant. Dans les temps les plus purs de la Grèce et de Rome, le sentiment maternel prévalait partout ; et, de nos jours, chez les nations barbares, on n’a pas d’exemple d’un enfant commis à des soins étrangers. Chez les peuplades du Nord, dans le Groënland, parmi les Esquimaux, on attachait une si grande importance à ce que le nouveau né fût nourri du lait de sa mère, que lorsque celle-ci venait à mourir avant d’avoir sevré, son nourrisson était enterré avec elle ou jeté à la mer. Étrange humanité, mais qui témoigne de l’importance des devoirs de la mère ! Est-ce donc que nous, femmes des peuples civilisés, nous aurions au cœur moins d’amour pour nos enfans que n’en ont les sauvages ? Un pareil fait ne peut se supposer. Notre prudence a souvent dicté des actes improuvés par le cœur, et certes toutes les mères qui se privent de nourrir, n’ont pas mis en question la raison de plaisir de bal ou de parure. Une défiance de soi-même, des devoirs sociaux, des conseils de médecin, auxquels s’allie la crainte de se charger à ses risques et périls d’une existence bien chère. La peur qu’on a de ses émotions, de ses nerfs, de son impressionnabilité fixent souvent la détermination des mères. Elles souffrent à se séparer de leurs enfans, mais elles comptent sur l’air pur de la campagne, sur l’impassibilité de la nourrice, sur sa vie uniforme et réglée pour sauver à un être chéri le retentissement des douleurs de sa mère. En effet c’est une grave question que celle de savoir si la femme, qu’une grande impressionnabilité domine doit nourrir son enfant ? Nous pensons qu’il en est qui doivent s’abstenir, mais