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c’est moins peut-être l’imperfection de l’organisation que cette passion du devoir qui s’oppose au développement de l’intelligence chez la femme. L’antiquité, le moyen-âge, le siècle dernier, et celui-ci encore, nous offrent d’assez nombreux exemples de ce que peut devenir cette intelligence lorsqu’elle est développée par l’étude. Il y a eu des femmes que les sciences abstraites avouent comme les dignes émules de l’homme ; il en est aujourd’hui dans lesquelles la science de l’économie politique trouve des interprètes. Je ne parlerai point des lettres : là les femmes règnent en souveraines ; chez elles seules brillent ce feu sacré, cette poésie du cœur tantôt fraîche et naïve, tantôt pénétrante et terrible, qui ne va point demander à la roue ou au gibet des émotions qu’elle sait trouver dans les tortures des passions, bien plus redoutables que la torture même. Mais, en littérature comme en savoir, malheur à celles qui, étant femmes, se font hommes ! « Elles ressemblent à Herminie revêtue des armes du combat. Les guerriers voient le casque, la lance, le panache étincelant ; ils croient rencontrer la force, ils attaquent avec violence, et dès les premiers coups ils atteignent le cœur[1]. » Et la méprise n’est pas toujours involontaire.

Oui, les femmes ont droit de se plaindre ; elles ont droit, comme toute l’espèce humaine, de vouloir éloigner la limite imposée trop long-temps à l’instruction ! mais qu’elles y prennent garde, que leur bon sens, ce sens commun si rare et qui ne manque jamais cependant à quiconque consulte sa raison, leur apprenne que l’instruction est bien peu de chose quand elle n’a pas pour appui l’éducation, ce fond précieux que nous

  1. Mad. de Stael.