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Il n’en est pas ainsi de ce que l’homme regarde comme sa propriété exclusive : l’instruction. Alarmé de la passion de savoir dont les ilotes lui paraissent enflammés, il leur prouve, physiologiquement parlant, que ce ne peut être pour eux qu’une passion malheureuse. Partout il croit voir des mains hardies s’élevant pour lui ravir son sceptre ; il croit sentir chanceler son trône ; il croit s’apercevoir que le feu de son auréole pâlit, et l’homme a peur de ces têtes sans cervelle qui veulent remplacer les fleurs et les rubans par la couronne d’épines du savant, par le bonnet carré du juge, de l’avocat, du docteur en médecine… Que sais-je !

Ce que c’est que le cauchemar !

Les femmes revendiquent seulement aujourd’hui le droit de dire avec tous ceux qui ont souffert, écrasés sous le poids d’une force brutale et sous celui non moins lourd des lois créées par le despotisme et des préjugés éclos de l’ignorance : « Nous faisons partie de cette race humaine dont les deux tiers au moins sont privés de l’instruction qu’on proclame en tout lieu, comme la source du bonheur des nations ; et dans les fondations nouvelles de la philanthropie partout on nous oublie ! Si quelques-unes d’entre nous sortent de la foule, l’homme se récrie ! Il voit déjà saper les bases de l’édifice social : les femmes ambitionner les honneurs et les richesses de la carrière administrative ? Usurper les pouvoirs des législateurs, oublier leurs devoirs et s’emparer, d’une main inhabile, des rênes de l’état, que tous dirigent avec une habilité si rare !.. Que l’homme se rassure ! La race des ilotes n’est pas prête de finir : mais ne peut-on faire pour les ilotes civilisés, ce que les philanthropes méditent de faire pour les nègres ! De l’esclavage et des dédains injustes naissent tous les vices ;