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tombe, humble comme la vie de la digne femme.

Celui pour qui elle avait accompli tant de sacrifices, qu’elle avait entouré de tant d’amour n’en était point indigne. Toujours il rendit un culte de souvenir et d’affection à sa bienfaitrice. Quand il lui eut rendu les derniers devoirs, quand il entra dans cette cabane solitaire où ne devait plus l’accueillir un doux et maternel regard, un mouvement de désespoir saisit le cœur du pauvre enfant. Il se jeta sur cette couche qu’elle venait de quitter pour jamais, et y resta long-tems le visage collé, et la couvrant de baisers et de larmes ; mais sortant tout-à-coup de cet excès de douleur :

— Ce n’est point ainsi, pensa-t-il, que je dois honorer sa mémoire ; non, ce n’est point par ce désespoir qui m’anéantit, c’est par une vie active, honnête et surtout charitable. Allons où elle m’a tracé elle-même une voie, et puissé-je y rencontrer quelqu’un à qui je rende une partie du bien que j’ai reçu d’elle. Voilà comme elle veut que je m’en souvienne.

Telles furent, sinon les paroles, du moins les pensées de l’élève de Madeleine. Il saisit le petit paquet dès long-tems préparé par les soins de sa mère adoptive, prit le bâton qui avait appuyé les pas de la pauvre vieille marchande, et dont il jura de ne jamais se séparer ; ferma soigneusement la porte de la chaumière, après y avoir mis tout en ordre, et prenant le chemin du cimetière, il y fit la première station de son voyage à Brest, et quitta enfin le pays qui l’avait vu naître, l’ame remplie de douleur, de regrets ; mais fortifié par les leçons qu’il avait reçues, et par la ferme volonté de se rendre digne un jour, d’être nommé le fils de Madeleine.

Mme Aimée Harelle.