Page:Le conseiller des femmes, 6 - 1833.pdf/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.
91

bienfait n’est jamais perdu » ou du moins j’ai toujours vu qu’on ne la comprenait pas sous son véritable sens, puisqu’elle semble promettre service pour service, prix pour prix. Est-ce donc l’intérêt personnel, qu’on doit mêler ainsi à la plus pure des vertus ? Est-ce l’égoïsme qui peut être la base du dévouement ? Non ; monsieur le curé, non, continua la digne femme exaltée par l’approche de la mort, le seul prix du bienfait c’est le bienfait lui-même ; cette récompense là, je l’ai déjà reçue et bien grande et bien belle, par le bonheur que j’ai goûté, par celui que j’ai donné et aussi, ajouta-t-elle avec plus d’émotion, en regardant Louis qui sombre et désolé se tenait debout près du lit, par l’affection de ce cher enfant pour moi. Que Dieu le bénisse comme je le bénis : je meurs heureuse, en paix et pleine de confiance en la bonté divine.

Deux jours après cet entretien, le soleil se levant pur et beau éclaira de sa teinte légèrement adoucie par l’approche de l’automne, la campagne des environs de la ville de C***. Un simple convoi descendait lentement la colline qui conduisait à l’église paroissiale. C’était celui de Madeleine, que suivait en sanglottant l’enfant qu’elle avait élevé, et qui maintenant restait seul au monde, mais préservé par elle des atteintes du besoin. Après Louis venaient un grand nombre de personnes habitantes de C*** et de ses environs ; car Madeleine avait mérité et obtenu l’estime et l’affection publiques. Son cercueil fut déposé dans la demeure qui nous attend tous ; mais où tous, nous ne descendons pas avec la même sécurité, le même bonheur que Madeleine. Un peu de terre la couvrit seulement, nulle pierre tumulaire n’apprit orgueilleusement sa vie aux étrangers, une croix de bois, portant son nom, indiqua seule la place de sa