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doucement. Quand elle se sentit près de sa fin, elle fit prier le notaire du lieu de la venir voir, afin de recueillir ses dernières volontés, et de l’aider dans les dispositions qu’elle voulait faire.

Elle donna à Louis sa maison et son jardin, seules choses qu’elle possédât, mentionnant son désir qu’il ne s’en défît qu’en cas d’absolue nécessité ; afin, dit-elle que mes dépouilles mortelles reposent auprès de la demeure future de mon fils adoptif ; car il viendra se reposer un jour de ses voyages, et chercher ici une compagne : si ses enfans amenés par lui, viennent quelquefois autour de ma tombe, mes os tressailleront de joie à leur approche, et ce me sera doux de m’entendre nommer par eux.

Le curé arriva après le départ du notaire ; il venait exhorter au courage, parler de l’espoir d’une vie de récompense… Mais le courage était inutile à Madeleine, comme il l’est au voyageur tout prêt d’entrer au port et d’échapper aux tempêtes qui pourraient gronder encore au loin. Puis quand il parla de la justice de Dieu, en exaltant, comme il le méritait en effet, le dévouement si noble de Madeleine, elle étendit sa main desséchée sur la main du pasteur, et lui dit de sa voix défaillante mais pleine de sécurité :

— Monsieur le curé : j’espère ; oui, j’espère une vie de repos et de bonheur, car Dieu est un bon père qui m’ouvrira sa demeure comme à ses autres enfans, qu’il aime d’un égal amour et qu’il jugera dans sa miséricorde. Moi, je n’ai point l’orgueil de croire mériter un plus haut prix que mes frères, pour avoir accompli une œuvre de charité. Je le devais ; nous nous devons tous mutuellement amour et protection ; mais elle m’a toujours semblé égoïste et fausse cette maxime : « Qu’un