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comme sa pauvre mère ; c’est pitié que de les voir tous deux ! Et quoiqu’effrayée à l’idée de rester seule en ce lieu, elle engagea sa compagne à courir au village chercher des alimens et des secours.

Bientôt on accourut, et pendant qu’assise sur la pierre du foyer, Marie faisait prendre à l’enfant quelques cuillerées de bouillon, d’autres femmes, debout près du corps de la défunte, se demandaient la cause d’une mort si subite.

— C’est la misère qui l’a tuée, dit l’une d’elles. Depuis la mort de son mari, elle avait beau travailler à la terre et filer une partie de la nuit, elle ne gagnait pas toujours du pain pour elle et pour son enfant : mais que va-t-il devenir cet innocent ? Il n’a point de parens, et dans cette pauvre maison il n’y a seulement pas de quoi payer l’enterrement de la défunte.

— Il faut avertir M. le Maire, dit une grosse fermière du canton : il fera recevoir ce petit à l’hôpital.

— Non, non, dit l’enfant se ranimant tout-à-coup à ce mot qui le fit tressaillir, ma mère ne veut pas que j’aille à l’hôpital, elle a dit qu’elle aimerait mieux me voir dans la terre, comme mon père, que de me mettre à l’hôpital.

— C’est vrai que la pauvre veuve avait l’hôpital en horreur, dit Marie, et si elle y voit aller son fils, il n’y aura pas de joie pour elle, même en paradis : et qui sait si sa pauvre ame ne reviendra pas pour s’en plaindre… Seigneur Jésus ! Je tremble, seulement rien que d’y penser. Aussi, en attendant qu’on sache que faire du petit, je vais toujours l’emmener pour un jour ou deux.

Alors la compatissante jeune femme, dont les soins avaient rendu la vie à l’orphelin, l’enveloppa dans son tablier et l’emporta chez elle.