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vain soldats et préposés au bureau, veulent maintenir le bon ordre ; leur voix, leurs gestes, tout est perdu.

La foule règne, elle veut avoir droit ; mais ne craignez qu’elle en abuse, sa conscience sait la guider.

Les galeries, les loges, tout se remplit, tout s’encombre, et, dans ce grand côte-à-côte, bien fou qui chercherait à distinguer les rangs autrement que par le langage. C’est bien le peuple avec son étonnement et sa joie ! Assis comme à un banquet de fête, c’est au profit de son estomac qu’il fait tourner les deux heures d’attente qui précèdent la levée du rideau. Partout un grand cliquetis de bouteilles et de verres se fait entendre ; la bière, dès long-temps enfermée dans sa prison de grès, part avec le bouchon et s’élance avec force. Robes, fichus, bonnets, tout est atteint, et le peuple de rire et les mains de claquer. La bière, c’est le champagne du peuple, le nectar des cabarets, l’orgeat des journalières ! La joie folle, l’oubli des misères d’une pénible condition, tout lui est dû : voyez, en effet, comme la salle s’anime et se mobilise, on dirait un seul rire, une seule joie, jusqu’au moment où la levée du rideau fait succéder le silence à ce grand brouhaha général ! Ici le tableau change et la vie prend un autre aspect. Avide de recueillir un son, de saisir un geste, l’oreille et l’œil de ce nombreux auditoire sont fixés sur deux objets, la scène et l’acteur qui l’anime !  ! Gloire et désastres de l’empire, à son tour tout est rappelé. C’est un cours d’histoire moderne, un résumé des faits contemporains, un règne avec sa politique, ses armes, ses combats ! aussi, quand tombe le rideau, quand le drame est fini, quand l’homme est au tombeau, le peuple, dont il fut le génie tutélaire, triste et pensif redescend l’escalier… Il avait un moment oublié ses travaux, ses veilles, sa fatigue et de