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les ſupposent toujours la choſe en question. Il faudroit commencer par nous prouver d’une façon ſatiſfaiſante l’exiſtence d’un Dieu, avant de nous dire qu’il eſt plus ſûr de la croire, & qu’il eſt affreux d’en douter ou de la nier. Enſuite, il faudroit nous prouver qu’il eſt poſſible qu’un Dieu juſte puniſſe, avec cruauté, des hommes, pour avoir été dans un état de démence qui les a empêchés de croire l’existence d’un Etre, que leur raiſon troublée ne pouvoit concevoir. En un mot , il faudroit prouver qu’un Dieu, que l’on dit tout rempli d’équité, pourra punir, outre meſure, l’ignorance invincible & néceſſaire où l’homme se trouve par rapport à l’eſſence divine. La façon de raiſonner des Théologiens n’eſt-elle pas bien ſinguliere ? ils inventent des phantômes ; ils les compoſent de contradictions ; ils aſſûrent enſuite que le parti le plus ſûr est de ne pas douter de l’exiſtence de ces phantômes, qu’ils ont eux-mêmes inventés ! En ſuivant cette méthode, il n’eſt pas d’abſurdités qu’il ne ſoit plus ſûr de croire que de ne pas croire.

Tous les enfans ſont des athées ; ils n’ont aucune idée de Dieu : ſont-ils donc criminels à cauſe de cette ignorance ? A quel âge commencent-ils à être obligés de croire en Dieu ? c’est, direz-vous, à l’âge de raiſon. Dans quel tems cet âge doit-il commencer ? D’ailleurs ſi les Théologiens les plus profonds ſe perdent dans l’eſſence divine, qu’ils ne ſe van-