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au travers d’une contrée riante qui n’offre à ſes yeux que des côteaux fleuris, des prairies émaillées, des arbres chargés de fruits. Attendri par ce ſpectacle, il ne ceſſe d’adorer la main riche & libérale de la Providence, qui ſe montre par-tout occupé du bonheur de la race humaine. Parvenu un peu plus loin, il trouve quelque montagnes aſſez rudes à franchir, mais une fois arrivé à leur ſommet, un ſpectacle hideux ſe préſente tout-à-coups à ſes regards ; ſon ame en est conſternée. Il découvre une vaste plaine, entièrement déſolée par le fer & la flamme ; il la meſure des yeux & la voit couverte de plus de cent mille cadavres, reſtes déplorables d’une bataille ſanglante qui depuis peu de jours s’étoit livrée dans ces lieux. Les aigles, les vautours, les corbeaux & les loups dévoroient à l’envi les corps morts, dont la terre étoit jonchée. Cette vue plonge notre pélerin dans une ſombre rêverie : le ciel par une ſaveur ſpéciale, lui avoit donné de comprendre le langage des bêtes ; il entendit un loup, gorgé de chair humaine, qui, dans l’excès de sa joie, s’écrioit, O Allah ! que tes bontés ſont grandes pour les enfants des loups  ! ta ſageſſe prévoyante a ſoin d’envoyer des vertiges à ces hommes déteſtables, ſi dangereux pour nous. Par un effet de ta Providence, qui veille ſur tes créatures, ces deſtructeurs de notre eſpece s’égorgent les uns les autres, & nous fourniſſent des