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Lettre au père Hyacinthe
13 avril.
« Monsieur,

» Je regrette vivement de n’avoir pu vous voir lorsque vous vous êtes présenté à l’hôtel du Louvre ; mais je suis jusqu’à un certain point dédommagé par la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire.

» J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le court aperçu que vous me donnez de la façon dont vous comprenez un gouvernement modèle.

» Je suis de votre avis sur bien des points. Il faut un gouvernement fort ; mais ce gouvernement ne doit pas être fort par la crainte qu’il inspire ; il doit l’être par la confiance des masses populaires.

» Le peuple a besoin qu’on s’occupe de lui comme d’un enfant.

» C’est l’attitude charitable et bienveillante à l’égard du peuple qui engendre les réformes et amène le progrès.

» C’est pour avoir méconnu cette attitude et s’être complu dans son égoïsme que le parlementarisme meurt. Je crois que personne ne le regrettera.

» Recevez, monsieur, l’assurance de mes meilleurs sentiments.

» Général Boulanger. »

Restons sur ce dernier trait.

M. Boulanger estime que le peuple est un grand « enfant » dont il faut s’occuper avec bienveillance ! Il veut être « charitable » pour le peuple ! C’est-là une mortelle injure, après tant d’autres, pour la fierté nationale.

Le peuple sait ce que lui réservent ces bons apôtres qui disent ne lui vouloir que du bien et qui ne savent même pas comprendre ses droits et respecter sa dignité.

M. Boulanger n’est à ses yeux qu’un ambitieux vulgaire, sans conviction, sans droiture et sans loyauté.

Il sait enfin ce qu’il y a dans le bilan de César, et il ne s’y laissera plus prendre.


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