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LE BATAILLON DE CYTHÈRE

forment des accidents de terrain fort capables d’amener des accidents de personnes ; l’escalier grimpé, on pénètre dans un taudis lamentable, où séjourne une âcre odeur ; l’odorat distingue l’émanation d’une lampe à pétrole falsifié, mélangée à celle de parfums populaires, le tout dominé par un goût de moisissure et de bestialité… Aux fenêtres des loques pendent, prétentieuses et sales ; ce sont les rideaux que tire la fille qu’accompagne un client… Aux murs, d’invariables nudités chromolithographiées, une rose en papier aux teintes passées, des médaillons en plâtre achetés aux italiens qui brocantent ces épreuves des chefs-d’œuvre antiques.

Une vague commode porte une cuvette et un pot à l’eau, couverts d’une serviette aux longues traînes de crasse, deux chaises dans l’étroit passage laissé par la couchette de fer, dont l’absence de drap est dissimulée péniblement par une béante couverture d’indienne, aux blessures effilochées produites par les pieds des clients.

Dans ces chambres de passe, la fille (pauvre vieille fille !) usée vient terminer là une carrière trop remplie ; il en est plusieurs qui, lors de la démolition de la rue des Filles-Dieu, ne purent retrouver de logis ; trop vieilles pour aller exercer ailleurs leur triste métier, on les casa dans les hospices, à la Salpêtrière, où l’on put.

Heureuses encore, celles-là ! elles auront le vivre et le couvert. Mais les autres, il arrive malgré tout que la décrépitude a fait de ces êtres, autrefois gracieux