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LE BATAILLON DE CYTHÈRE

la ressource de se mettre pourvoyeuse ; ne travaillant plus pour son compte, elle fait la commission ; cela ira ainsi jusqu’à la fin, ou à peu près.

À celle qui, prévoyante de l’avenir, aura su amasser quelques sous, même quelques billets bleus, il reste un beau mariage à faire avec quelque jeune homme distingué (l’annonce le dit du moins) désirant faire le bonheur d’une vieille rouleuse, en mangeant le produit de ses veilles. Dans cette série-là, il en est qui préfèrent se retirer seule à la campagne, jouer à la châtelaine, faire du bien aux pauvres, après en avoir tant fait aux riches.

À la cigale, ayant chanté jusqu’à l’extrême automne, il reste la rue ; borgne, sinistre, aux coins noirs et pestilentiels ; les palissades des démolitions, les constructions inachevées, aux plâtres humides, elle ira sans but, suiveuse d’ivrognes, gibier d’agents, toujours aux aguets. Ses rares moments de calme s’écouleront dans un bouge infâme.

La rue des Filles-Dieu, récemment élargie, assainie, possédait les plus horribles spécimens de ces bouges ; on en rencontre encore quelques-uns dans les rues Brise-Miche, Simon-le-Franc, etc. Dans les escaliers de ces maisons, on monte à quatre pattes ; il est impossible, à moins d’être de très petite taille, de se tenir debout ; la rue est encombrée, pavée d’ordures puantes, nauséabondes, les portes basses, fermées par des battants à claire-voie que l’on enlève la nuit venue, donnent sur des allées sombres, où jamais le jour ne pénètre ; les dalles disjointes ; brisées, se soulèvent et