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LE BATAILLON DE CYTHÈRE

maîtresse ; huit jours comme ça et la boîte serait fichue !

Les clients étonnés, gueulaient plus fort, pour entraîner les femmes dans leur gaieté ; les consommations marchaient encore, mais les femmes causaient toutes du même sujet : enterrement, mort, maladie ; et à chaque client qui entrait, c’était la même histoire reprise, détaillée, commentée, enjolivée déjà. À la fin, un des hommes, impatienté par ces récits funèbres, assit une fille sur ses genoux, fourrageant d’un geste brutal sa courte chemisette de surah.

Zut ! cria-t-il, tu nous em…, mets-y un crêpe et n’en parle plus !

V

AU TRAVAIL — À L’HÔTEL — À L’ÉGLISE — EN OMNIBUS
UNE VEUVE — FRUIT VERT — L’ABANDONNÉE

En montant le faubourg Saint-Denis, le soir vers huit heures, le passant coudoie un nombre considérable de femmes battant le pavé, en quête d’un client ; les rues d’Aboukir, de Cléry, du Caire, Saint-Denis, enfin tout ce quartier si vivant, si affairé le jour, est occupé par le même personnel. Des filles ? Oui, sans doute, la plupart inscrites à la préfecture, ayant leur carte bien en règle ; d’autres travaillant clandestinement, peureuses, l’œil et l’oreille au guet, promptes à détaler à la moindre alerte. D’où sortent celles-là ?

Des ateliers de fleuristes, cartonniers, polisseurs, bijoutiers en toc. Elles sont dans le jour des ouvrières