Page:Le bataillon de Cythère, 1902.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
LE BATAILLON DE CYTHÈRE

que ce ne serait rien… et puis le troisième jour, une mauvaise fièvre ! un transport au cerveau…

Il hachait ses phrases, perdu dans ses mots qu’il rattrapait avec des… alors… et alors… La mère ne l’écoutait plus, elle était retombée sur le petit lit, prostrée, anéantie ; ses larmes doucement coulaient sur le drap en grosses gouttes qui s’épandaient, fondaient, bues par la grosse toile qui s’amollissait sous la pluie chaude qui ne cessait de couler de ses yeux.

Avec ses larmes, son courage fondait, elle s’attendrissait, sans forces maintenant pour lutter, continuer la vie, cette vie double dont elle n’avait montré là que le côté honnête, strict, d’une brave bourgeoise élevant honorablement son enfant.

Elle recommençait à geindre, au milieu de ses pleurs, se lamentait, pleurait sa vie perdue, son suprême espoir déçu, emporté par la catastrophe vengeresse ; et le besoin qu’elles ont toutes de se confier au passant, de pleurer leurs peines au premier venu, lui faisait entamer un récit qui stupéfiait, indignait l’honnête homme qu’était l’instituteur.

— Monsieur… je n’avais que lui et j’en étais si fière !… Il était si gentil, si doux… et beau !… J’avais tout mis sur sa petite tête… Je le voyais en rêve à Saint-Cyr, en uniforme… le dimanche, il serait venu… on sortait ensemble, moi à son bras… et maintenant !…

Elle leva les bras, s’exclama :

— Pourquoi tout cela, maintenant ? Qu’est-ce que ça me fait d’avoir une boîte qui marche, qui gagne