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LE BATAILLON DE CYTHÈRE

fession ; le mensonge vraisemblable conté dès sa petite enfance, continuant. Elle lui dirait en temps voulu qu’elle avait cédé son magasin de tissus, placé à dessein dans la grande banlieue, pour éviter qu’une idée prit au gamin de vouloir y venir. À l’instituteur, elle avait dit qu’il était impossible, dans son commerce, d’avoir un enfant près d’elle, et aux vacances, à part un voyage de quelques jours, une escapade pour la mère et l’enfant, elle le confiait à ses soins paternels.

Elle pâlit, au milieu de la joie de ses pensées, en recevant une lettre que le facteur venait d’apporter ; elle se faisait écrire chez une amie pour éviter la découverte de ce qu’elle cachait si bien, et ses lettres ne lui parvenaient du pensionnat qu’avec un retard. Vivement elle fit sauter l’enveloppe et parcourut les quelques lignes ; le visage décomposé, elle frappa un grand coup sur un timbre placé près d’elle et, la sous-maîtresse accourue, elle quitta la caisse.

— Anna, je vous laisse la maison ; veillez bien, ma fille…

— Mon Dieu ! Madame, qu’arrive-t-il ? Vous êtes toute pâle.

— Un malheur, ma fille, un grand malheur…

Et vite, un chapeau planté sur la tête, un manteau Jeté sur ses épaules, elle courut à la station de voitures.

Son enfant malade ! « Maladie grave » disait la lettre. Elle l’avait vu le dimanche précédent, toujours plein de santé, de force. Qu’est-ce qu’il pouvait avoir ? Et la lenteur du fiacre l’exaspérait ; elle avait envie de des-