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LE BATAILLON DE CYTHÈRE

duel à coups de poing — pugilat. Il arrive fréquemment que deux cœurs s’éprennent à la fois de la même moustache, brune ou blonde : le résultat ne se fait pas attendre ; une rencontre a lieu dans laquelle ces dames mettent de côté leur maintien, leur dignité, leur fraîche noblesse même, enfin tout ce qu’elles ont pris de factice à la fréquentation des hommes du monde, et au galop le naturel ! les chignons voltigent, les dentelles jonchent le pavé, les griffes s’implantent dans d’adorables minois qui devront rester au moins quelques semaines cloîtrées avant de reparaître sur la scène parisienne ; dans ces batailles, la femme apporte toute la somme de traîtrise dont elle dispose, cherche à frapper au point vulnérable, calculant la portée d’un coup qui puisse atteindre l’adversaire dans le plus délicat des ouvrages avancés.

Nous assistâmes un soir à une de ces batailles dans les coulisses d’un café concert ; deux de ces dames, en toilettes de scène, se précipitèrent l’une sur l’autre après épuisement complet du vocabulaire ordurier. La plus faible, fouettée devant tous, s’acharna sur son ennemie et lui arracha avec ses ongles de longues traînées de peau sur les seins — la condamnant ainsi à chanter près d’un mois en corsage fermé ! Deux chanteuses !… venez donc me dire après cela que la musique adoucit les mœurs ! c’est possible, mais les bonnes seulement alors ?

Il n’y a pas d’exemple de confraternité entre ces dames, disions-nous, il n’y en a pas non plus d’un lancement opéré par elles lorsqu’elles ont encore l’âge de