Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
Le uoyage des Princes


qui eſtoyent ſerieux, & toutesfois il ne les penſoit pas de la ſorte, venans de ce ioyeux, promit & iura au Baſteleur toute ſeurté. A ſa parole le Baſteleur ſortit pour remener & aller querir le ſinge de Fee, & le Roy ſe delectant deſia de ces folettes ourades, attendoit quelque galantiſe pour rire, que deuiſant auec quelques ſeigneurs le Baſteleur entra, menant en main vne ſimilitude voilee. Le Roy ſe tourna vers lui & vid quelques reuerences ioyeuſes que fit le Baſteleur amenant ſa Fee. Ce fut icy vne nouuelle façon : car le farceur auoit tāt accouſtumé de harceler les chiens mignons, qu’il ſembloit quand il entroit qu’ils le deuſſent deuorer, & ceſte guerre duroit pres d’vn demi-cart d’heure, & à ceſte fois ils ne lui dirent rien, ne ſ’eſmouuans non plus que ſ’il ne fut pas entré : Le Roy qui prenoit garde à cela, & que meſme ſes chiens qui ont accouſtumé d’aboyer ce qu’ils n’ont pas accouſtumé deveoir, eſtoient comme ſans y penſer, ne ſçauoit que croire, ſ’il euſt eu l’eſprit leger ainſi que la plus part des hommes de ce temps, qui iugent mal de tout ce qu’ils ignorent, il eut penſé que ce baſteleur eut eſté magicien ; mais n’allant pas ſi viſte il ietta l’œil attentiuement ſur cet obiect, adonques la Fee qui s’eſtoit tenue ferme au milieu de la chambre où le farceur l’auoit poſee, voyant le Roy ſe tourner vers elle oſta ſon voile d’autour elle, & deſcouurant ſa teſte ſe ietta humblement à genoux aux pieds de ceſte majeſté eſbahie ; Le Roy fremiſſant en ceſte emotion regardoit attentiuement, & voyant en celle qu’il conſideroit des rayons de beauté, qui n’appartenoient qu’à Feriſtee, ſ’enclinant vers elle