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Le uoyage des Princes


deuoir. Et bien vous me penſiez corriger, & vous ne pouuez, car ie n’ay point fait de faute, & toutesfois ie ſupporte le chaſtiment : d’autant que par ce bel artifice d’innocence, vous m’obligéz tant eſtroitement, que vous me faites confeſſer que i’ay failli, encor que mon ame ſoit ſans crime, vos agreables attintes, font que ie veux bien eſtre coulpable, & ſuis preſt & appareillé à la punition, qu’il vous plaira. En ceſte ſubmiſſion ie ſcay bien que ſi vous vous auiſez de nos fortunes, & que vous me conſideriez ſelon ce que ie ſuis eſtant voſtre, vous aurés regret d’auoir penſé à la moindre opinion des taſches : dont vous feignez dire que mon cœur eſt ſouillé : Car vous verrés clairement, que ce qui entretient mon eſprit, eſt vne agreable douleur qui le tyranniſe, & va menant en tant de diuerſitez, qu’il n’y a que luy ſeul qui puiſſe ſupporter telle affliction, qui luy eſt tollerable, pource que vous la cauſez. Ne penſez pas que ie ſois oublieux, de ce que ie vous doy, à vous ma Belle, que ie reuere en mon ame auec toute deuotion, & ne iugez point que i’aye le courage ſi peu penetré des eſclairs de ma chere lumiere, que l’ardeur n’en ſoit penetrante & viue, & auſſi eſtimez qu’vn eſprit affligé, & tranſporté de ſa pure paſſion, n’eſt pas à ſoy. Ie vous diray vne particularité, à laquelle poſſible vous ne penſez pas, & qui eſt la cauſe que pluſieurs Amans ſe diſent tourmentez, & en douleur & le ſont. C’eſt qu’vn courage accompli & plein d’integrité, craint quand il ayme, que quelque choſe ſ’oppoſe à ſon bien, & partant il en eſt tellement inquieté, que ce trouble luy fait tant


de douleur,