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Fortunez. Entreprise III


auec telle douceur de rencontre, que l’aer & la terre en retentiſſoyent d’vne ſi douce eſmotion, que la reſiouiſſance ſ’en conceuoit par les ſubſtances inanimees, & bien que quelques plaintes fuſſent ſouſpirees, ſi eſt-ce que les piteux reſons en eſtoyent ſi beaux, qu’en fin tout deuint ioye : entre autres aers qui furent eſtalez à l’ouye, les maiſtres firent eſtat de ceſtuy ci que l’Empereur auoit luy meſme retracé, à l’ombre de ſa douleur plaignant ſa balle, comme ſi elle ne fut plus.

Mon cœur eſt oppreſſé, ma vie eſt languiſſante,
Mon ame deſolee, ennuyee, dolente
Acheuera ſes iours : Me ſaiſiſſant de mal, ſans plaiſir & ſans grace.
Sans vie ie viuray, puis que la mort efface
L’honneur de mes amours.
Vie que ie tenois ma plus parfaite vie,
Enuie qui m’eſtois toute parfaite enuie,
Deſir entier deſir.
Douceur de mes douceurs la douceur ſauoureuſe,
Du meilleur de l’amour la rencontre amoureuſe
Plaiſir parfait plaiſirs :
Beaux yeux qui nourriſſiez de ſi bonnes delices
Mes eſprits lǎgoureux, yeux doucemēt propices
A mon cœur languiſſant ;
Uoſtre lumiere helas, eſt maintenant eſteinte,
De ce que vous eſtiés, vous n’eſtes que la feinte
Et l’ombre paliſſant.
Auſſi ie ne ſuis plus qu’vne image debile,
Sans vie & iugement, vne ſouche inutile,
Une ſource de pleurs :
Et ne reſte de moy qu’vne voix vagabonde,


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