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Le uoyage des Princes

Oubliray-ie l’ardeur de ma flame viuante,
Pour m’affliger le cœur de triſte paſſion ?
Non ie reuiens à moy, mon ame trop galante
Ne ſe peut alterer de vaine opinion.
Je ſuis tout de deſirs, ie ſuis tout de conſtance,
Rien ne peut eſgaler mes fideles ardeurs,
Auſſi ma Belle vn iour par ma perſeuerance,
Iugera que ie ſuis digne de ſes faueurs.
C’eſt au cœur genereux d’auoir de l’aſſeurance,
Tourner tout à profit, iuger tout bien pour ſoy,
Ie m’auantage ainſi deſſus toute apparence,
Quand meſme ie ſcaurois qu’on feroit cōtre moy.
Lors que ma Belle accepte infinité d’hommages,
Et qu’elle nomme ſiens tant d’autres ſeruiteurs :
I’en ſuis plus glorieux, car ces petits courages,
Font fueille à mō amour, illuſtreēs mes grādeurs.
Ce m’eſt plaiſir de voir tous les eſprits du monde,
Humiliez venir adorer ſa beauté,
Et ſes yeux Rois des yeux, faisās par tout la rōde
Choiſir ce qu’il luy plaiſt rendre en captiuité.
Ma Belle c’eſt ainſi que mon cœur ſe diſpoſe,
A viure, n’eſtimant que vos perfections,
I’y ſuis tout reſolu, ainſi ie me propoſe,
Que vous faites eſtat de mes affections.

Laiſſons les ſe proumener par l’iſle, conſiderans que tant ceux qui ſ’ennuyent, que ceux qui ſ’y plaiſent, ſeront auſſi toſt les vns que les autres, au iour qu’il faudra desloger.