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fortunez. Entreprise I.


ayent fait du bien, il conuient pour le faire eſtimer tel, qu’ils perſeuerēt, car de ruyner ce qu’on a eſtabli, ou ſouſtenu, eſt trop plus dommageable que n’a eſté fructueux le premier bien : celuy qui oſte la vie, fait vn mal mille fois plus grand, que la commodité de l’auoir conſeruee n’eſt euidente : parquoy ces gens vous preparent vn dōmage plus mauuais que n’a eſté excellent le bien qu’ils vous ont fait : Et ſi vous y prenez garde vous trouuerez par les apparences de la verité, que nous auōs tous eſté deceus en eux. Mais laiſſons le paſſé : ou ſ’il eſt expediant peſons le auec le futur, & voyons ce qu’ils pretendent, ce qui vous ſera aiſé à remarquer & iuger : auſſi vous en laiſſeray-ie donner l’arreſt apres que ie vous auray declaré ce qui en eſt. A dire vray, ce leur eſt vne grāde facilité d’affaires, d’auoir trouué vn eſprit qui les croid & eſt abuſé d’eux : A quoy ie vous ſupplie, tend le voyage qu’ils vous font entreprendre, & auquel vous eſtes reſolu, que pour vous trainer en lieu où ſous ombre de vetilles de neant, & de vaines conſolations d’eſprit, ils ſe rendront maiſtres de voſtre corps, comme ils le ſont de voſtre ame, & puis à leur gré ils ſ’empareront de voſtre empire, qu’ils partageront enſemble, ſ’y eſtabliſſants premierement ſous voſtre authorité, & fe faiſants donner les charges & lieutenances que vous leurs commettrés, & puis eſtans fortifiez ils acheueront leur tragedie, & vous foible & abatu mignardé, en ceſte humeur melācholique de concupiſcēce où ils vous ſcauront bien nourrir, afin de deuenir vos tuteurs, les laiſſerés faire & vous manier


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