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A mûri de bonne heure et ridé sans pitié
Les traits doux et charmants de déesse Amitié.
Le grand ami bavarde et le petit babille ;
L’Amour est un enfant, l’autre une vieille fille.
Elle a d’ailleurs tant vu, la vieille aux soirs conteurs,
Et tant couru le monde avec ses serviteurs,
Les pieds sur les chenets, l’aimable décrépite
Fait dans le sablier couler l’heure si vite
Que nul ne s’aperçoit depuis quàtre mille ans,
Que l’accorte déesse a quelques cheveux blancs.

Assise à mon foyer, c’est cette bonne vieille
Qui m’a complaisamment murmuré dans l’oreille
Avec de longs regards d’ineffable douceur,
Ce que présentement je vous écris, ma sœur.
Cela, puis autre chose encore ; la déesse
Autour de mon chevet rôde et veille sans cesse
Et me fait votre éloge en des termes si doux
Que je n’en puis rien dire aux gens, surtout à vous.
On. nous tailla si bien sur le même modèle
Avec mêmes ciseaux, ma compâgne fidèle
Que, sans savoir comment, sans comprendre pourquoi,
Moi-même je confonds très-souvent nos deux Moi.
Le bien qu’on dit de vous chatouille mon oreille
Et dans votre jardin ma vanité s’éveille,